Les Français aiment toujours leur service public et leurs agents !

Une ode au service public à la française : baromètre des services publics Odoxa : les Français,comme les agents, pensent que leur pays est celui qui dispose du meilleur service public en Europe. Article à lire sur Etoile mag actualités.

Si nul ne peut affirmer que la France sera sacrée championne du monde de football dans quelques semaines à Moscou, les Français peuvent d’ores et déjà fêter un titre : celui du pays disposant du meilleur service public en Europe !

Des résultats qui bousculent les idées reçues sur la perception des Français du service public

C’est en tout cas le principal enseignement que l’on peut tirer du dernier baromètre Odoxa, réalisé fin mai 2018 pour la Banque française mutualiste avec l’Obs et France Inter, auprès d’un échantillon représentatif composé de 1030 Français, 1000 salariés du secteur public et 2965 citoyens européens. Selon ce sondage, 63% des répondants placent, en effet, les services publics hexagonaux sur la première marche du podium, devant ceux de nos voisins allemands (54%) et britanniques (19%). Au-delà du légitime cocorico, les résultats de cette enquête viennent bousculer plusieurs idées reçues et incitent à la réflexion au moment où le gouvernement entreprend de réformer en profondeur la fonction publique et cherche à assouplir -voire supprimer- nombre de statuts régissant certaines catégories d’acteurs publics.

Les Français ont globalement une bonne opinion des agents du secteur public… et du travail dans la fonction publique !

La première surprise vient de l’image que renvoient les agents du secteur public dans l’opinion : 65% des Français ont une bonne opinion des femmes et des hommes qui travaillent pour l’intérêt général. C’est 20 points de mieux que ce qu’imaginent en moyenne les agents eux mêmes ! Cette popularité ne semble donc absolument pas affectée par la vague actuelle de mouvements sociaux, notamment dans les transports. Autre chiffre étonnant dans le contexte de dénigrement des fonctionnaires : 70% des Français interrogés par Odoxa ont envisagé ou peuvent envisager de travailler dans le secteur public. Ils sont par ailleurs 67% à estimer qu’ils pourraient conseiller une carrière publique à un jeune se lançant dans la vie active.

Le service public : rôle dans la sauvegarde des territoires, et action pour le bien commun

Enfin, et ce n’est pas le moindre des enseignements de cette étude, 69% de nos concitoyens, et plus encore 83% des agents du secteur public, sont convaincus que les services publics jouent un rôle essentiel dans la sauvegarde des territoires en voie de désertification et peuvent servir de point d’appui pour y relancer des projets de développement.

Alors que la fermeture de lignes ferroviaires, d’établissements scolaires ou d’hôpitaux a cours dans de multiples zones rurales ou péri-urbaines, de tels jugements méritent amplement d’être versés au débat. Quant aux personnels des trois versants de la fonction publique, ils trouveront certainement dans le baromètre d’Odoxa des raisons supplémentaires d’être fiers d’agir pour le bien commun. Et même, comme le réclament leurs représentants syndicaux à l’occasion des nombreuses concertations en cours, de voir leurs rémunérations réévaluées et leurs carrières revalorisées.

Emmanuelle Quémard

Open data : « un enjeu majeur pour résoudre la crise du politique » – Bernard Lusset, adjoint au maire d’Agen

Open data : « L’open data est un enjeu majeur pour résoudre la crise du politique » - Interview de Bernard Lusset, Adjoint au maire d'Agen. Le discours est disruptif (Ndlr, en rupture). L’élu agenais considère que sa commune, très en pointe depuis des années sur le numérique, ne fait pas les efforts suffisants pour passer le cap d’un open data accessible et pragmatique. Ce qui est en jeu est pourtant cardinal : réconcilier le politique avec les citoyens via la transparence totale des données publiques. A lire sur Etoile Mag Actualités.

La ville d’Agen propose un portail entièrement dédié à l’open data. Avec cette invitation : « Partagez, améliorez et réutilisez les données publiques ». Rares sont les villes aussi proactives en la matière. Pourtant, vous n’êtes pas satisfait…

Je suis pragmatique. Quand je vois mon gamin de 18 ans acheter ses godasses sur internet, lire sur internet, bouger sur internet, bref baser sa sociabilité à travers internet, je me dis que nous sommes loin du compte. Bien sûr, si je veux connaître le montant d’une subvention accordée à une association, je vais finir par y arriver puisque tout est sur internet. Nous sommes une ville pionnière en la matière. Nous enregistrons cinq arobases, la note maximale, du label ville internet depuis des années. Mais le challenge pour rester en haut de l’affiche va se compliquer si nous n’entrons pas résolument dans la révolution de l’open data.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Allons sur le site ensemble… (https://data.agen.fr/page/lademarche/). Que découvrons-nous ? Que c’est un grand fouillis, sans logique de lecture. Si nous restons des heures dessus et que nous avons des compétences numériques au-dessus de la moyenne, nous parviendrons à identifier le montant de la subvention accordée à notre cher club de rugby. Mais peut-on parler d’accessibilité aux données de la ville, comme nous le faisons avec un certain enjolivement politique, quand seuls quelques geeks sont en mesure d’atteindre l’information ? Or, l’enjeu est majeur. On sent monter les populismes un peu partout. On sent que la caricature du politique se renforce.

Notre seule réponse est dans la mise en évidence de ce que nous faisons, mais pas à travers la seule dialectique politique, en donnant des éléments concrets d’information, des délibérations votées, des débats au conseil municipal, où ce que nous avons réalisé ne peut souffrir la contestation caricaturale de ceux qui s’évertuent à dire que les élus sont tous des pourris et que les fonctionnaires ne bossent pas. C’est faux, nous en avons une preuve d’une intangibilité éclatante !

Il faut donc améliorer l’accès technique à ces données. Comment faire ?

Je n’ai pas la réponse pour l’heure. Mais les moyens humains dédiés à cette tâche ne sont pas à la hauteur de l’ambition politique, c’est une évidence. Nous avons des réunions sur ce thème dans les prochaines semaines. Nous allons tout mettre à plat, notamment pour que cette culture open data descende des services vers le public. Ça concerne l’ensemble des agents et leurs encadrants. Nous sommes en train de refonder notre stratégie numérique, avec l’aide de la Caisse des dépôts. C’est un moment de vérité. Parce que le numérique a une place majeure dans notre vie quotidienne et que j’ai le sentiment que ça part dans tous les sens, sans ligne directrice.

Quel serait, dans votre esprit, un open data idéal ?

L’opinion publique pense que la ville d’Agen est bien gérée. Je confirme (sourires). Mais il faut aller au-delà : combien coûte la scolarisation d’un enfant? Combien d’entrées dans les musées, dans les piscines? A quoi sert l’argent public? Quels effets les investissements publics ont-ils sur la cohésion sociale? Il ne s’agit pas de construire un discours politique mais de fournir au public les éléments incontestables pour qu’il se le construise lui-même. A force d’insister sur le faire-savoir de nos savoir-faire, peut-être arriverons-nous un jour à éloigner la menace périlleuse des populismes de tout poil et autres aquoibonismes.

Stéphane Menu

 

 

Le conseil de l’interviewé « Repenser la manière de faire de la politique »

« Je parle librement. En 2020, je ne serai pas candidat à un quelconque mandat. Je m’investis de façon citoyenne pour ma ville en essayant d’apporter le maximum de lucidité à l’action quotidienne. Il faut repenser la manière de faire de la politique ».

Égalité professionnelle femmes-hommes : un nouveau plan d’attaque

Egalité professionnelle femmes-hommes : un nouveau plan d'attaque" Le gouvernement prend de nouvelles dispositions pour favoriser et développer, aussi bien dans le privé que dans le public, ce qui a été décrétée "grande cause nationale du quinquennat", l'égalité professionnelle. A lire sur Etoile Mag Actualités.

Examiné en première lecture par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale depuis le 11 juin 2018, le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » porte en germe de nombreuses dispositions susceptibles de modifier en profondeur le monde du travail en matière d’Égalité professionnelle.

« une mesure forte en faveur de l’Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes »

Ce texte, qui fait l’objet d’une bataille d’amendements venus à la fois de l’hémicycle et du banc du gouvernement, prévoit de favoriser l’ égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur le plan des rémunérations. Il vise, par ailleurs, à mettre en place des outils pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes au travail.

Certaines mesures figurant dans le projet de loi ont d’ailleurs déjà fait l’objet d’un débat au sein du Conseil commun de la fonction publique (CCFP) le 27 mars 2018. Il s’agit des dispositions prévues pour encadrer la mise en disponibilité des agents dans les trois versants de la fonction publique. Des dispositions qui devraient favoriser les mobilités des fonctionnaires et qui constituent « une mesure forte en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, puisque les agents en disponibilité sont à 67 % des femmes ». Selon l’exposé des motifs du projet de loi, « une analyse économétrique récente a mis en évidence que la majeure partie de l’écart salarial moyen entre les femmes et les hommes au sein de la fonction publique de l’État s’explique par la différence de position statutaire et les impacts de cette période d’interruption sur le déroulement ultérieur de la carrière. »

Égalité professionnelle : plan de lutte contre les violences sexuelles et sexistes

Comme les travaux parlementaires en cours, les nombreuses discussions qui ont cours actuellement au sein de la fonction publique, notamment au travers de l’agenda social, ont pour objectif de faire progresser l’égalité femmes-hommes au sein d’un secteur qui compte 62 % de personnels féminins. Si les employeurs publics ont rouvert en début d’année les dossiers des rémunérations ou de l’accès aux responsabilités professionnelles pour corriger les distorsions constatées entre les agents des deux sexes, ils travaillent également depuis quelques mois sur celui des violences sexuelles et sexistes faites aux femmes. Une circulaire du 9 mars 2018 co-signée par Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des comptes publics, Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes et Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des comptes publics, a précisé les modalités du plan gouvernemental destiné à lutter contre ce fléau. Un plan qui porte à la fois sur la formation des personnels d’encadrement et de certains agents (ressources humaines, référents Egalité et Diversité, représentants du personnel), sur la sensibilisation de l’ensemble des fonctionnaires à la prévention et au traitement des situations de violences, et sur l’introduction d’un module spécifique consacré à la prévention des violences faites aux femmes dans la formation initiale des agents. Parallèlement, les employeurs sont chargés de mettre en place une cellule d’écoute et de traitement des signalements des violences. Le gouvernement demande, en outre, aux employeurs de se montrer exemplaires en matière de sanctions disciplinaires contre les auteurs de violences sexuelles.

Emmanuelle Quémard

SONDAGE EXCLUSIF WEKA.JOBS : Conditions de travail des fonctionnaires et sens de leurs missions

Sondage exclusif Etoile sur les Conditions de travail des fonctionnaires et sens de leurs missions. Découvrez les résultats en infographie. A lire sur Etoile Mag actualités.

Ce sont donc 634 fonctionnaires (334 femmes et 300 hommes), appartenant aux trois fonctions publiques (19% hospitalière, 36% état et 39% territoriale (6% se sont classés dans « autres »), répartis sur 5 tranches d’âges (160 25-34 ans, 146 35-44 ans, 190 45-54 ans, et 138 55 ans et plus) qui ont été sollicités pour ce premier sondage exclusif Etoile quant aux conditions de travail des fonctionnaires, du 5 au 12 avril 2018.

Nous avons choisi de vous les présenter grâce à une infographie synthétique.

Sondage exclusif Etoile : Conditions de travail des fonctionnaires et quête de sens . Etoile, en partenariat avec l’institut Keedn, a interrogé 634 fonctionnaires sur leurs conditions de travail, et le sens qu’ils en retirent. Les résultats sont surprenants : loin du supposé « malaise de la fonction publique », dans leur grande majorité, les sondés répondent qu’ils aiment leur métier et se sentent utiles au quotidien. C’est lorsqu’on les interroge sur leurs conditions de travail que le tableau s’assombrit… Découvrez les résultats synthétisés en infographie ! A lire sur Etoile Mag Actualités.

Les fonctionnaires aiment leur métier et y trouvent du sens

L’étude fait apparaître des fondamentaux qui restent très positifs : les agents interrogés déclarent majoritairement aimer leur métier, et se sentir utiles au quotidien. On note tout de même un décrochage au niveau de la fonction publique hospitalière : 69% des agents hospitaliers affirment aimer leur métier, contre 81% des agents d’état et 83% des agents territoriaux.
Cette tendance s’inverse lorsqu’on les questionne sur leur sentiment d’utilité : 85% des fonctionnaires hospitaliers répondent se sentir utiles, contre 77% des territoriaux et 73% des agents d’état.

Mais les conditions de travail sont jugées difficiles au quotidien…

Lorsque l’on les interroge sur leurs conditions de travail au quotidien, les réponses prennent néanmoins une teinte plus négative… les conditions de travail sont jugées mauvaises ou passables. Tous regrettent un manque de moyen (encore plus fort dans la fonction publique hospitalière) et une charge de travail élevée (particulièrement forte parmi les sondés FPT).
Quant à la hiérarchie, elle concentre une critique quasi unanime pour son manque d’écoute et d’empathie (travers souvent soulevés dans les sondages concernant le management dans les entreprises du privé).

Les agents plutôt favorables à une modernisation de la fonction publique

Cette dualité entre une mission appréciée et un quotidien jugé difficile peut être mise en perspective avec l’idée d’une modernisation nécessaire de la fonction publique. A la question « Action publique 2022 : faut-il moderniser la fonction publique ? », 45% des sondés se disent « plutôt d’accord », et 22%  « tout à fait d’accord ». Ce ressenti est d’autant plus fort parmi la tranche d’âge la plus jeune (25-34 ans), qui souhaite une modernisation à 66% !
Tous ont conscience que ce processus passera également par une évolution des méthodes de travail, et se disent prêts : ils sont une majorité à se sentir à l’aise avec les outils digitaux au travail et militent pour un changement de management (moins de réunions, moins de hiérarchie verticale, plus d’humain).

Management : « Par son approche participative, le public se distingue avantageusement du privé » – Valéry Michaux, chercheure

Management secteur public : « Par son approche participative, le public se distingue avantageusement du privé » - Valéry Michaux, chercheure. En matière de management, le public n’a pas de leçon à recevoir du privé. C’est la conclusion d’une étude de Valéry Michaux, chercheure au Neoma Business School. A lire sur Etoile Mag Actualités.

Dans le management, une des grandes idées reçues consiste à croire que le privé est plus en avance en terme d’innovation et que le public devrait s’en inspirer. Or, votre dernière recherche (2) prouve le contraire…

Partons d’abord d’un chiffre unanimement reconnu par les chercheurs à l’échelle internationale. La conduite du changement se solde en moyenne par 60 % d’échec, notamment lorsqu’il s’agit de mener à bien de grands changements stratégiques impliquant de profondes transformations culturelles. Au terme d’une longue enquête, consacrée au décryptage de la littérature sur ce sujet, j’en conclus que l’approche participative et coercitive menée par l’Etat et les Régions dans les années 2000 présente des taux de réussite supérieurs à la moyenne internationale après 4 ans de mise en œuvre. Nous venons donc au fait que dans le management, le secteur privé n’a pas plus d’avance en terme d’innovation que le secteur public.

Comment expliquer ce bon résultat public ?

Il est lié à la prévalence d’épisodes participatifs échelonnés dans le temps et croisant harmonieusement les effets d’un cadre directif descendant, dit top-down, et ceux d’une philosophie participative, dénommée bottom-up. Le secteur public a visiblement mieux déjoué les pièges des modes directifs qui renforcent les résistances des agents ou des salariés dans le management. Ce qui ne veut pas dire que le cadre directif y est moins présent, mais il se distingue dans le public dans sa manière d’encourager le recours aux modes participatifs.

Pour qu’un changement réussisse, il faut savoir jouer sur la gamme diversifiée des épisodes participatifs, être capable d’identifier très vite la logique de la trajectoire impulsée pour relever le défi du changement. Il est difficile d’accepter le diktat du changement, parce qu’il perturbe la zone de confort. Il faut donc qu’il soit vécu intérieurement par tous comme une amélioration des conditions de travail dans le cadre d’une adaptation aux services publics ou à la concurrence.

Concrètement, comment en êtes-vous arrivée à un tel constat ?

Je suis partie de la philosophie de la loi dite LOADDT de 1999 (Ndlr, Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable des territoires), plus connue sous le vocable de Loi Voynet. Elle impliquait un changement de paradigme dans les stratégies des collectivités à l’époque. C’est à partir de cette loi que nous arriverons ensuite aux récentes lois Maptam et Notr qui ont bouleversé l’organisation territoriale de notre pays. La loi Voynet introduit ainsi la planification stratégique adossée à une vision durable du développement. Ce qui oblige les collectivités à travailler ensemble pour « penser » les actions, sur dix ans (signatures d’une charte). Les collectivités ne réfléchissent plus seules. Elles intègrent les non-élus : citoyens, associations, corps intermédiaires, etc., la société civile dans sa plus grande extension… C’est aussi le début de la culture évaluative, avec obligation tous les trois ans d’établir des bilans.

Quel territoire avez-vous privilégié ?

Mon étude a été menée au sein de l’ancienne Région Champagne-Ardenne. Le SGAR et la Région ont imposé un cadre méthodologique commun identique à tous les territoires. Cela a permis de comparer sur 8 années, la trajectoire de transformation de 10 territoires de projets (Pays) qui impliquaient de 4 à 16 communautés de communes et d’agglomérations. Sur les trois premières années, le taux d’échec est de 60 %, comme dans la moyenne internationale. Or, à partie de la 4e année, le chiffre change, pour passer à 60 % de réussite sur la plupart des territoires examinés.

Comment expliquez-vous cette réussite ?

Par les effets secondaires des épisodes participatifs. Ils ont permis d’établir des règles de décision (gouvernance) et de mettre les acteurs d’accord sur les problèmes à traiter ensemble… Le plus important est d’enclencher le processus de problématisation. En effet, arriver à dégager un vrai décloisonnement vers des politiques communes et approfondir ainsi in fine les projets. La loi Voynet aurait pu rester un simple document de gouvernance. La démarche participative en a fait un outil d’aménagement de projets concrets, identifiés tels quels sur le terrain.

Stéphane Menu

Le conseil de l’interviewée

« Je conseillerai aux entreprises de s’inspirer du cadre directif inspiré par le public. Le lâcher prise consiste à donner du pouvoir à l’autre. Dans le privé, ce n’est pas si simple. La prospective territoriale est un bon laboratoire parce que les effets sur dix ans sont palpables. Par ailleurs certaines entreprises privées sont mortes parce qu’elles n’ont pas su dégager du savoir-faire interne qui existait pourtant par défaut d’interrogation sur la manière d’envisager le futur et de se remettre en cause ».

(1) Valery Michaux est chercheure au Département Stratégie et Entrepreneuriat du Neoma Business School.
(2) Michaux, V. (2018) « Stratégie territoriale : les impacts d’un cadre participatif « incitatif coercitif » », Revue d’Economie Régionale et Urbaine, January, no. 1, pp. 33-59.

Intelligence artificielle : quel impact sur le travail de demain ?

Intelligence artificielle : quel impact sur le travail de demain ? Dans le domaine du travail, l’intelligence artificielle (IA) suscite autant de peurs que d’espoirs. Va-t-on déléguer nos tâches les plus aliénantes à des robots, pour travailler sur des missions plus créatives ? Ou sera-t-on exclus de l’emploi au profit d’algorithmes ? Des études récentes lancent des pistes, mais peinent à délimiter précisément les impacts de l’intelligence artificielle sur le travail. A lire sur Etoile Mag Actualités.

Quand on parle d’intelligence artificielle (IA), on ne parle pas que de robotisation. Car la particularité de l’IA tient dans ses algorithmes évolutifs, capables d’apprendre de leurs expériences (deep learning), et nourris d’une quantité de données que l’humain serait incapable d’assimiler (les data). Avec l’IA, la puissance cognitive de la machine pourrait donc supplanter celle de l’humain… Et engendrer une transformation profonde du travail.

Inquiétudes face à l’intelligence artificielle : le remplacement par la machine

Les études autour de l’IA peinent à délimiter le nombre d’emplois menacés : un rapport du Conseil d’Orientation pour l’Emploi évoque, selon les sources, un risque pour 9 à 42 % des emplois actuels en France. Les métiers peu qualifiés seraient les plus touchés, mais un rapport de France Stratégie évoque aussi ses impacts dans au moins une partie des emplois de plusieurs domaines : la santé, le transport, les banques…

C’est aussi la collaboration homme-machine qui inquiète. Selon une étude du Boston Consulting Group (BCG)/Malakoff Médéric, plus de 60 % des dirigeants et managers craignent l’apparition de nouveaux risques psychosociaux. Le rapport de France Stratégie les énumère : perte du lien social dans le travail, perte d’autonomie, contrôle accru, surcharge cognitive…

Face aux machines, développer ses compétences techniques… Et humaines !

Mais l’intelligence artificielle créé aussi de nouveaux besoins : des manutentionnaires pour entretenir et surveiller les machines, des informaticiens et mathématiciens pour les concevoir, des data scientists… Un rapport de Cédric Villani évoque aussi un besoin de professionnels venus des sciences humaines et sociales, pour réfléchir à la bonne manière d’intégrer l’IA à l’économie.

Surtout, Cédric Villani parle de l’IA comme d’ « une chance historique de désautomatisation du travail humain ». L’humain pourrait alors se consacrer à des tâches à « plus forte valeur ajoutée ». Face aux machines, il préconise donc de développer ses compétences purement humaines, comme les « softs skills » : créativité, curiosité, empathie…

Dans ce contexte en pleine évolution, ActuIA souligne le rôle clé des services de Ressources Humaines pour encadrer l’arrivée de l’intelligence artificielle : réfléchir et préparer la réorganisation du travail, veiller à l’apparition de risques psychosociaux, recruter des spécialistes, former les collaborateurs à l’IA, etc.

Que va devenir le travail ?

L’homme travaille depuis toujours pour subvenir à ses besoins. Mais si des robots s’en chargent, comment distribuer leur production ? Faut-il réduire le temps de travail humain ? Taxer le travail robotisé ? Est-on à l’aube d’une révolution industrielle, comme s’interroge une émission de France Culture ? Avec l’intelligence artificielle, c’est tout le rapport au travail qui vacille…

Julie Desbiolles

Réformes des retraites : un débat peut en cacher un autre

Retraites : un débat peut en cacher un autre Une consultation citoyenne sur le futur système de retraites vient d'être lancée. Le débat sur le rapprochement des régimes privé et public fera partie des nombreuses questions soulevées. A lire sur Etoile Mag Actualités.

Huit mois de concertation, pas moins de 120 réunions bilatérales avec les partenaires sociaux, une consultation citoyenne déclinée sur Internet et dans le cadre de forums régionaux… La phase préparatoire de la réforme des retraites que le gouvernement entend présenter au Parlement à l’été 2019 vient d’être lancée par Jean-Paul Delevoye, le Haut-Commissaire chargé par Emmanuel Macron de mener à son terme ce dossier sensible.

L’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit ni plus ni moins de bâtir un nouveau « système de retraite universel » garantissant que « tout euro cotisé donne les mêmes droits à chaque retraité, quel que soit son statut ou sa profession ». Même si la ministre des Solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, affirme que le futur dispositif ne débouchera pas sur un « nivellement des droits par le bas », c’est exactement ce que redoutent un grand nombre de fonctionnaires.

Diminution des pensions de retraites

A la lumière des précédentes réformes de 2003, 2010 et 2014, les agents de l’Etat, des hôpitaux publics et des collectivités ont, en effet, constaté que l’alignement progressif de leurs régimes de retraite sur ceux du privé était bel et bien engagé. Et que ce processus se traduit généralement par une baisse du niveau des pensions. Une récente étude de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et du Service des retraites de l’Etat (SRE) vient d’ailleurs confirmer cette tendance. Selon ce document qui porte sur l’évolution des pensions de retraite des fonctionnaires nés entre 1940 et 1950, les réformes successives ont entraîné une diminution moyenne de 5% du montant des pensions versées aux trois-quarts des agents ayant fait le plus récemment valoir leurs droits à la retraite. L’évolution de la pyramide des âges au sein des trois versants de la fonction publique risque d’amplifier ce phénomène, même si les principales mesures déjà prises, telles que l’allongement de la durée de cotisation ou le recul de l’âge de départ à la retraite, ont déjà permis de réduire une partie des écarts constatés entre le secteur privé et le service public.

Non remplacement des départs

Reste que, la situation s’avère particulièrement préoccupante. Dans les collectivités, par exemple, les départs massifs à la retraite qui se profilent dans les prochaines années (37% des actifs sont âgés de 50 ans et plus) et le faible taux de renouvellement des effectifs territoriaux ne permettront pas de remplacer tous les départs. Selon le baromètre RH HoRHizons 2017, 46% des collectivités, qui ont, par ailleurs, à gérer de fortes contraintes budgétaires, affirment qu’elles ne comptent pas remplacer tous les départs. Au-delà des seules modalités de financement du futur système de retraite, la concertation qui vient de s’ouvrir porte, donc, en germe bien d’autres problématiques. La place que la France veut accorder à ses services publics et à ceux qui les animent apparaît notamment en creux des débats qui vont se dérouler au cours des prochains mois.

Emmanuelle Quémard

Fusion des régions : « Travailler ensemble, ça s’apprend » – Magali Debatte

Magali Debatte, secrétaire générale pour les affaires régionales des Hauts-de-France Fusion des régions : « Travailler ensemble, ça s’apprend » Le Sgar (Secrétariat général pour les affaires régionales) des Hauts-de-France a récemment fait appel au cabinet d’accompagnement des transformations Meltis afin de favoriser cohésion et coopération d’équipe au sein de l’administration suite à de récents changements structurels. Objectif : optimiser la performance de l’organisation tout en tenant compte de la qualité de vie au travail de l’ensemble des collaborateurs. Entretien avec Magali Debatte, secrétaire générale pour les affaires régionales. A lire sur Etoile Mag Actaulités.

Pourquoi avoir choisi de recourir à un cabinet pour réorganiser votre service dans la continuité de la fusion des régions ?

La fusion des Régions s’est passée ici comme dans les autres régions. Le Sgar Hauts-de-France se distingue par le fait que nous en avons profité pour mener à bien un projet de service pour transformer nos pratiques. Dans un aucun autre Sgar, cet accompagnement RH à la transformation n’avait été envisagé. Quand j’ai pris mes fonctions, au début de l’année 2017, j’ai été frappée par le fait que l’on vivait le Sgar nouvelle formule comme l’ancien. Or, notre rayon d’action a évolué et il était devenu nécessaire de réfléchir au sens de nos nouvelles missions. Il était indispensable de faire savoir que le Sgar avait évolué.

Comment s’est déroulé ce processus de réorganisation ?

Avant l’intervention de Meltis, nous avons mené à bien un audit de situation managériale. Nous avons diffusé les résultats en interne, auprès des syndicats et du Chsct (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). C’est alors que Meltis est intervenu pour élaborer un projet de service. Priorité a été donnée à la communication interpersonnelle. Le Sgar s’articule autour de 80 personnes dont 50 cadres A d’assez haut niveau. Mais les agents travaillent peu ensemble, s’isolent dans leur quotidien. Il a fallu donner naissance à une organisation matricielle pour que les croisements soient plus nombreux et fassent éclore le principe du travail collaboratif. Meltis a mené une double enquête, à la fois auprès des partenaires externes puis auprès des collaborateurs. Une journée de séminaire a permis de présenter les résultats de cette démarche, visant à renforcer la transversalité.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Concrètement, nous avons rédigé un projet de service et document de communication interne présentant les missions et les valeurs de l’institution, et la création d’une nouvelle représentation visuelle de l’organisation – sous forme matricielle et non pyramidale – correspondant davantage à la réalité du fonctionnement du service. Un nouveau programme d’accompagnement est aujourd’hui en cours de déploiement afin de faire vivre ce projet de service. Il comprendra notamment un séminaire sur le « travailler ensemble » visant à améliorer la coopération entre les agents du Sgar à partir de la connaissance de soi, des signes de reconnaissance, et de la connaissance et la reconnaissance des compétences des autres collaborateurs. Personnellement, j’avais besoin de sentir que toute cette matière grise pouvait être mise au service d’un nouvel état d’esprit, avec une redéfinition de la capacité d’agir de chacun.

Stéphane Menu

Les contractuels, clé de voûte d’une fonction publique modernisée ?

En plaçant l'extension du recours aux contractuels au cœur des nombreux chantiers de concertation et de modernisation de la fonction publique, lancés ces derniers mois, le gouvernement a choisi d'assumer un virage historique.

Dans son document d’orientation « Refonder le contrat social avec les agents publics », le ministère de l’Action et des comptes publics indiquait clairement en mars dernier que l’objectif du gouvernement est « d’accorder plus de souplesse et de liberté aux employeurs publics pour recruter leurs équipes, y compris par voie de contrat » et qu’il s’agit « d’offrir plus de visibilité et de garanties, en matière d’évolution professionnelle, pour les agents contractuels ainsi recrutés ».
Le 21 mai, devant les partenaires sociaux, le secrétaire d’Etat en charge de la fonction publique Olivier Dussopt enfonçait le clou en précisant que les débats menés actuellement au sein de la fonction publique devaient « permettre d’aller plus loin dans la reconnaissance d’une complémentarité des statuts et des profils pour répondre aux évolutions des services publics ».

970 000 contractuels tous versants confondus

Alors que la fonction publique, tous versants confondus, compte aujourd’hui 970 000 contractuels (25% dans la FPT, 21% dans la FPH et 21% dans la FPE), l’extension du recours au contrat peut-elle faire basculer la sphère publique dans une nouvelle dimension ?
C’est en tout cas ce que redoutent les organisations syndicales de fonctionnaires qui demeurent vent debout contre toute mesure susceptible de renforcer la précarisation des agents et d’introduire un coin dans le statut et l’égalité d’accès à la fonction publique.

Le point de vue des employeurs publics

En revanche, du côté des employeurs publics et de certaines associations professionnelles, les jugements sont plus nuancés. Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, propose ainsi que les employeurs puissent recourir à des contrats courts avec des agents publics à l’occasion de missions précises. En outre, dans un manifeste commun portant sur l’avenir de la fonction publique territoriale, deux associations d’élus -France Urbaine et l’Association des petites villes de France (APVF)- se prononcent aussi en faveur du « recours aux contrats de 3 ans renouvelables pour des postes de catégorie B et C lorsque la nature des besoins le justifie ». De son côté, l’Association des DRH des grandes collectivités se dit favorable à la création de « CDD de mission, à condition que ces contrats soient justifiés par une politique publique particulière, qu’ils soient limités à 6 ans (et non soumis à l’obligation de prouver l’absence de fonctionnaire adapté pour le poste) et qu’ils n’ouvrent pas droit à une CDIsation ».

Bilan mitigé de la « loi Sauvadet »

Les évolutions, qui semblent se profiler dans le cadre de la modernisation de la fonction publique, marquent donc un tournant avec les orientations gouvernementales de ces dernières années. Il faut dire que le dispositif imaginé en 2012 par le ministre de la fonction publique du gouvernement Sarkozy, dite « loi Sauvadet, » arrivera à son terme en 2018 (à l’exception d’une prolongation jusqu’en 2020 pour certains contractuels de la fonction publique d’Etat), et que son bilan s’annonce mitigé. Selon un bilan d’étape, entre 2013 et 2017, le processus de titularisation n’aurait en effet concerné que 54 000 contractuels pour 99 000 postes ouverts (alors que 125 000 agents contractuels étaient potentiellement concernés par le texte).
Même si Olivier Dussopt prend le soin de préciser que « le recrutement de contractuels, au même titre que le recrutement de titulaires, doit être exempt de tout risque de discrimination » et qu’il « faudra l’entourer de nouvelles garanties en termes de transparence, d’objectivité et d’efficacité », c’est bien une nouvelle page de l’histoire de la fonction publique qui est en train de s’écrire.

Emmanuelle Quémard

 

Discriminations : « Il faut dépasser la posture politique » – Interview de Catherine Saint-Jours

« Sur les discriminations, il faut dépasser la posture politique » Bordeaux Métropole, la ville de Bordeaux et le CCAS ont entamé une démarche de certification Afnor pour renforcer l’égalité professionnelle et mieux lutter contre les discriminations. Les trois entités s’appuient sur une rigoureuse méthodologie. Interview de Catherine Saint-Jours, directrice des assemblées métropolitaines à Bordeaux Métropole. A lire sur Etoile Mag Actualités.

Discriminations : Quels sont les leviers utilisés par votre métropole pour renforcer l’égalité professionnelle femmes-hommes et optimiser la mixité sociale ?

Sur les discriminations, il faut dépasser la posture politique. Ce sont en effet deux priorités clairement affichées par Bordeaux Métropole, mais aussi la ville de Bordeaux et le CCAS. Ces trois entités ont donc décidé, de façon unitaire, de solliciter une démarche de double labellisation auprès de l’Afnor, chargée de délivrer les fameux certificats à partir de critères rigoureusement établis. Nous nous inscrivons résolument dans un programme d’innovation sociale.

Comment cette démarche de prévention des discriminations se déclinera ?

En trois temps… Des sessions de formation d’une journée sur les discriminations et l’égalité de traitement dans le service public mises en place avec le CNFPT. Elles entrent dans le champ du plan annuel de formation et devraient se poursuivre sur plusieurs années. Mais aussi un engagement de garantir l’égalité de traitement au sein de l’établissement et sur le territoire, dans une démarche d’amélioration continue, partagée et transparente. Nous établirons enfin un bilan d’étape annuel pour évaluer l’efficacité de la démarche.

Quand l’Afnor rendra-t-elle son verdict sur la double labellisation ?

L’arbitrage de l’Afnor, qui sera rendu à la fin de l’année, couronnerait une démarche engagée par la collectivité depuis 2011. En effet, Bordeaux Métropole s’est engagée dans cette voie dès 2011 en signant la Charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale, signature adossée à un plan d’actions acté en octobre 2015. Cette même année, la collectivité a mis en place un dispositif de prévention et de lutte contre les discriminations. Cette double labellisation aura des effets positifs sur les processus de recrutement, de gestion des effectifs ou encore de formation et d’évolution de carrière. La double labellisation de l’Afnor nous permettra de franchir un palier qualitatif.

Stéphane Menu

Le conseil de l’interviewée

« A des jeunes qui se lancent, je les alerterai sur l’importance de la formation continue. Le monde de la fonction publique, notamment territoriale, est très évolutif. Les lois et les compétences changent en permanence. Il importe d’être en continu « au bon niveau ».  Dans son domaine mais aussi dans de nouveaux champs, le statut de la FPT, le nombre et la diversité des collectivités offrant la possibilité, à celui qui en a le désir, de changer plutôt facilement de casquette professionnelle.

Par ailleurs, il faut être vigilant en matière d’information car le travail isolé à son poste n’existe plus : la transversalité, les collectifs de travail sont devenus la norme et dans ce cadre, le « réseau » est très important. Se tenir informé des projets de la collectivité, identifier les sources de renseignements pour faire avancer les dossiers, s’adresser aux bons interlocuteurs…. sont autant d’atouts pour progresser dans sa mission dans un contexte de complexité des structures et des procédures ».