Dans son document d’orientation « Refonder le contrat social avec les agents publics », le ministère de l’Action et des comptes publics indiquait clairement en mars dernier que l’objectif du gouvernement est « d’accorder plus de souplesse et de liberté aux employeurs publics pour recruter leurs équipes, y compris par voie de contrat » et qu’il s’agit « d’offrir plus de visibilité et de garanties, en matière d’évolution professionnelle, pour les agents contractuels ainsi recrutés ».
Le 21 mai, devant les partenaires sociaux, le secrétaire d’Etat en charge de la fonction publique Olivier Dussopt enfonçait le clou en précisant que les débats menés actuellement au sein de la fonction publique devaient « permettre d’aller plus loin dans la reconnaissance d’une complémentarité des statuts et des profils pour répondre aux évolutions des services publics ».
970 000 contractuels tous versants confondus
Alors que la fonction publique, tous versants confondus, compte aujourd’hui 970 000 contractuels (25% dans la FPT, 21% dans la FPH et 21% dans la FPE), l’extension du recours au contrat peut-elle faire basculer la sphère publique dans une nouvelle dimension ?
C’est en tout cas ce que redoutent les organisations syndicales de fonctionnaires qui demeurent vent debout contre toute mesure susceptible de renforcer la précarisation des agents et d’introduire un coin dans le statut et l’égalité d’accès à la fonction publique.
Le point de vue des employeurs publics
En revanche, du côté des employeurs publics et de certaines associations professionnelles, les jugements sont plus nuancés. Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, propose ainsi que les employeurs puissent recourir à des contrats courts avec des agents publics à l’occasion de missions précises. En outre, dans un manifeste commun portant sur l’avenir de la fonction publique territoriale, deux associations d’élus -France Urbaine et l’Association des petites villes de France (APVF)- se prononcent aussi en faveur du « recours aux contrats de 3 ans renouvelables pour des postes de catégorie B et C lorsque la nature des besoins le justifie ». De son côté, l’Association des DRH des grandes collectivités se dit favorable à la création de « CDD de mission, à condition que ces contrats soient justifiés par une politique publique particulière, qu’ils soient limités à 6 ans (et non soumis à l’obligation de prouver l’absence de fonctionnaire adapté pour le poste) et qu’ils n’ouvrent pas droit à une CDIsation ».
Bilan mitigé de la « loi Sauvadet »
Les évolutions, qui semblent se profiler dans le cadre de la modernisation de la fonction publique, marquent donc un tournant avec les orientations gouvernementales de ces dernières années. Il faut dire que le dispositif imaginé en 2012 par le ministre de la fonction publique du gouvernement Sarkozy, dite « loi Sauvadet, » arrivera à son terme en 2018 (à l’exception d’une prolongation jusqu’en 2020 pour certains contractuels de la fonction publique d’Etat), et que son bilan s’annonce mitigé. Selon un bilan d’étape, entre 2013 et 2017, le processus de titularisation n’aurait en effet concerné que 54 000 contractuels pour 99 000 postes ouverts (alors que 125 000 agents contractuels étaient potentiellement concernés par le texte).
Même si Olivier Dussopt prend le soin de préciser que « le recrutement de contractuels, au même titre que le recrutement de titulaires, doit être exempt de tout risque de discrimination » et qu’il « faudra l’entourer de nouvelles garanties en termes de transparence, d’objectivité et d’efficacité », c’est bien une nouvelle page de l’histoire de la fonction publique qui est en train de s’écrire.
Emmanuelle Quémard

