Rémunération au mérite : individuelle ou collective ?

Rémunération au mérite : individuelle ou collective ? Les multiples mouvements de modernisation de la fonction publique mettent régulièrement en avant la nécessité de développer la rémunération à la performance. Déjà pratiquée par les administrations, elle privilégie davantage les résultats individuels que collectifs. Article Etoile Mag Actualités

Rémunération au mérite, rémunération à la performance…, le sujet est récurrent dans la fonction publique ces dernières années. Comme s’il devenait de plus en plus difficile de motiver les agents des trois fonctions publiques en dehors d’une juste rétribution en espèces sonnantes et trébuchantes. Même si selon le sociologue  des organisations François Dupuy, « il ne faut pas nier cette dimension pécuniaire », force est de constater que l’engagement des fonctionnaires ne se mesure pas seulement  à l’aune de la PFR ou du Rifseep.

En essayant de donner d’une main ce qu’il retire de l’autre en gelant le point d’indice et en exerçant une pression budgétaire sur les administrations, le gouvernement ne rend pas la tâche facile aux employeurs publics et ne renforce pas l’attractivité de la fonction publique.

Mesurer la performance

« Les statuts ont été conçus pour protéger les agents de l’arbitraire et garantir leur neutralité, rappelle François Dupuy. La rémunération au mérite est en quelque sorte contraire au principe même pour lequel les statuts ont été créés. » Reconnaître le mérite professionnel pose aussi la question de sa mesure. « Soit, cela relève d’une vision subjective, souligne le sociologue, soit, comme dans le privé, le mérite est évalué en fonction d’indicateurs de performance, ce qui introduit  une dimension plus technique ».

En outre, si la prime d’intéressement à la performance collective est prévue par le législateur, c’est davantage la performance individuelle qui est valorisée par le nouveau régime indemnitaire Rifseep mis en place à l’Etat en 2014 et étendu à la territoriale en 2018. « Or, avance  François Dupuy, ce qui fait la performance d’une organisation, c’est la capacité des membres à travailler ensemble, à coopérer. »

Engagement au travail

Si le levier de la rémunération est indéniable dans l’engagement professionnel des agents, -ce qui n’est pas différent dans le privé-, il n’est pas le plus important selon le sociologue. « L’engagement au travail, c’est faire plus que ce qui est écrit dans son contrat de travail ou dans la définition de sa fonction, explique-t-il. En somme, l’engagement consiste à faire plus que ce pour quoi on est payé. Des facteurs sont propices à cet engagement tels que la confiance. Plus leur hiérarchie leur fera confiance, plus les salariés ou les agents vont se sentir responsabilisés. Et plus, ils s’engageront au travail. » « Aujourd’hui, les règles générales et impersonnelles qui régissent les relations entre les usagers et l’administration, et au sein même de l’administration, ne laissent pas de place à l’initiative, ajoute François Dupuy. Les agents sont très prudents en matière de prise d’initiatives car le système actuel dans la fonction publique sanctionne plus qu’il ne récompense. Au-delà de la rémunération au mérite, il faudra du temps pour redonner aux agents l’envie de s’engager ».

Emmanuelle Quémard

Une Web-conférence pour aller plus loin sur cette thématique :

Ne manquez pas la web-conférence « Rémunération : faut-il privilégier la performance collective ou individuelle ? » le 3/04/2018 de 11h à 12h. Une conférence Editions WEKA, en partenariat avec EDENRED.

Pour vous inscrire : https://www.weka.fr/actualite/evenement/remuneration-faut-il-privilegier-la-performance-collective-ou-individuelle/

 

Violences sexuelles : Une circulaire spécifique à la fonction publique prochainement publiée

Une circulaire spécifique à la fonction publique prochainement publiée. Découvrez le dispositif prévu. Article Etoile Mag Actualités.

Dans cette circulaire, trois priorités ont été identifiées : la prévention des violences sexuelles dans la fonction publique ; le traitement des situations et l’accompagnement des victimes ; la sanction des auteurs. Consultée par un journaliste de l’AFP, la circulaire stipule : « Deux chiffres doivent nous faire réagir : 20 % des femmes actives disent avoir été confrontées à une situation de harcèlement sexuel au cours de leur vie professionnelle, et près de 30 % des victimes n’en parlent à personne ».

Le dispositif prévu par la circulaire

La circulaire prévoit, dès cette année, le développement d’un plan de formation dispensé prioritairement aux agents publics encadrants, aux référents « égalité et diversité » ainsi qu’aux agents des RH. Les écoles du service public devront intégrer dans la formation initiale un module de prévention de ces violences sexuelles « au plus tôt et avant la fin de l’année 2018 ». Les employeurs publics auront pour obligation d’accompagner les victimes, en mettant en place « un dispositif de signalement ». Par exemple une cellule d’écoute ou une personne référente, et de traiter concrètement « des violences sur le lieu de travail ». La circulaire incite les employeurs à l’exemplarité « dans la sanction [disciplinaire] des violences sexuelles ».

Une circulaire qui satisfait moyennement la CGT qui la juge « surtout symbolique », dixit Céline Verzeletti car reprenant les accords de mars 2013. Elle aurait préféré que la circulaire mentionne le fait que les victimes de ces violences sexuelles puissent être reconnues en accident du travail ou en maladie professionnelle, pour bénéficier d’une protection spéciale.

Radicalisation : deux décrets visent les fonctionnaires et militaires fautifs

Radicalisation et Terrorisme : deux décrets visent les fonctionnaires et militaires fautifs. Brève Etoile Mag Actualités.

Le 23 février dernier, Edouard Philippe, le Premier ministre, avait donné le ton : « L’Etat n’est pas épargné par le risque de radicalisation ». La France a donc décidé de se prémunir en publiant deux décrets précisant les modalités de radiation et de mutation des agents publics faisant peser une « menace grave » pour la sécurité publique.

Le premier concerne les militaires ; le deuxième, les fonctionnaires de l’État et les agents contractuels occupant des emplois « participant à l’exercice de missions de souveraineté de l’État ou relevant du domaine de la sécurité ou de la défense ». Dans la ligne de mire du décret, des préfets, des policiers, des membres des juridictions administratives ou encore des magistrats de l’ordre judiciaire… Bien entendu, fonctionnaires ou « militaires » auront la possibilité de contester la sanction dans le cadre d’une commission paritaire ou d’un « conseil » pour les militaires. En prenant une telle mesure, l’Etat entend montrer qu’il sera exemplaire dans le traitement du phénomène de la radicalisation, tant en interne qu’en externe.

Stéphane Menu

Protection sociale complémentaire : l’urgence de nouvelles réformes

Protection sociale complémentaire des fonctionnaires : l’urgence de nouvelles réformes. La Mutuelle Nationale des Territoriaux dévoile ses propositions dans un livre blanc. Article Etoile Mag Actualités

La protection sociale des fonctionnaires : un dossier prioritaire

Véritable plongée au cœur de la protection sociale complémentaire des agents des collectivités, le Livre blanc que vient de publier la Mutuelle Nationale des Territoriaux (MNT) tombe à pic. Le ministre Gérald Darmanin et son secrétaire d’Etat Olivier Dussopt auraient tout intérêt à le lire avec attention au moment où l’Etat affirme vouloir faire de la protection sociale des fonctionnaires un dossier prioritaire du quinquennat. L’urgence à réformer le système actuel est telle que le gouvernement a mandaté le 9 février 2018 une mission d’inspection chargée d’évaluer le coût et l’efficacité des différents dispositifs existants et de déterminer avec précision le nombre des bénéficiaires. Un état des lieux qui n’avait jamais été fait…

Bien-être au travail en berne, absentéisme en augmentation

En attendant le mois de juin, date à laquelle les inspecteurs doivent rendre leur copie, le constat dressé par la MNT est particulièrement éclairant sur certains dysfonctionnements du système. S’appuyant sur une étude réalisée par l’IFOP en octobre 2017, l’organisme mutualiste démontre, en effet, que la santé et le bien-être au travail des personnels territoriaux se sont nettement dégradés au cours de ces dernières années. Ainsi, la part des agents ayant connu un arrêt de travail de plus de trois mois est passée de 4,2 % en 2008 à 6,3 % en 2016, soit une progression de 50 %. Des arrêts de travail de plus en plus graves, puisque la durée moyenne de ces arrêts a augmenté de plus de 2 % par an en moyenne au cours des dernières années. Dans le même temps, près de six agents sur dix affirment avoir le sentiment que leur bien-être au travail s’est détérioré au fil du temps. Résultat : l’absentéisme flambe dans les collectivités territoriales (+ 26 % entre 2007 et 2015). Si les agents, dont seulement un sur deux bénéficie d’une couverture prévoyance, sont les premières victimes de cette dérive, les employeurs publics locaux comme les usagers des services de proximité sont également concernés par cette dégradation.

Une des propositions de la MNT : La participation financière obligatoire

Pour sortir de cette spirale, la MNT a élaboré 16 propositions visant à améliorer la santé au travail des agents territoriaux. Les pistes explorées par la mutuelle ont d’abord pour objectif de faire évoluer le système de protection sociale complémentaire des agents, tant dans le domaine de la santé que dans celui de la prévoyance.  En outre, les propositions portent sur le renforcement de la prévention et du mieux-être au travail dans les collectivités. Parmi les outils imaginés par la MNT figurent la mise en place d’un crédit d’impôt universel, la possibilité d’assurer à tous les agents une couverture minimale en prévoyance ou encore l’obligation pour les collectivités de participer financièrement à la protection sociale de leurs agents.

Emmanuelle Quémard

« Repenser le temps de travail et Rifseep, une double négociation ! »

Intreview Pierrick Raud, DGS adjoint à la ville d’Angoulême, en charge des Ressources Humaines. RIFSEEP « Repenser le temps de travail avec les agents ».A Angoulême comme dans d’autres communes, le temps de travail et la mise en place du RIFSEEP tendent les rapports avec les syndicats et les agents. Mais le choix a été fait d’une négociation structurée, sur la base d’un donnant-donnant, évitant les décisions verticales autoritaires, comme l’explique Pierrick Raude. Interview Etoile Mag Actualités

Comment se met en place cette double négociation ?

Une délibération, votée au mois de juin 2017, nous invite à mettre les choses à plat sur le RIFSEEP et le temps de travail. Avec les cadres et les syndicats, nous réfléchissons à ces deux projets. La singularité de cette démarche est qu’elle répond aux critères du mode projet, c’est-à-dire qu’un programme a été arrêté, sur la base d’un calendrier précis, abordant toutes les questions. Avec les syndicats, nous avons discuté de ce qui était négociable et ce qui ne l’était pas. Appartenant à cette deuxième catégorie, le retour aux 1 607 heures annuelles de temps de travail avec un traitement valorisé n’est pas envisageable. Les 1 607 heures, c’est en effet le nombre d’heures que n’importe quel agent doit effectuer. Aujourd’hui, en intégrant les 4 jours d’ancienneté accordés, les jours spécifiques aux écoles et aux CCAS, nous sommes plutôt sur la base de 1 580 heures annuelles, sachant que ce nombre d’heures n’est pas le même pour tous les services. A nous de réintégrer, par exemple, ces 4 jours d’ancienneté, privilèges d’un autre temps et qu’il faut revoir dans un contexte financier contraignant lié à la baisse des dotations financières. Sans oublier la suppression du financement des contrats aidés, l’équivalent de 1,5 M€ pour une ville comme Angoulême, avec les tensions que cela fait naître sur notre budget.

Comment retrouver une marge de manœuvre financière ?

Cette année, sur les 1 000 agents que compte la collectivité, une vingtaine de départs à la retraite ne seront pas remplacés. Nous devons donc trouver de nouvelles marges de manœuvres. Nous allons proposer de travailler 4,5 jours par semaine et de bénéficier de moins de RTT ou d’opter pour la formule 5 jours avec plus de RTT. Nous offririons donc aux agents la possibilité de moduler le temps de travail. Mais toutes ces pistes sont encore à l’étude, elles ne sont que des hypothèses puisque l’idée est d’arriver à un accord harmonieux avec les syndicats. Au 1er janvier 2019, nous mettrons en place un système de badgeage. Une des spécificités d’Angoulême, c’est le nombre important de festivals culturels qui s’y déroule et qui mobilise le personnel pour des heures supplémentaires de travail. Nous allons proposer aux agents qui bénéficient de 4 jours d’ancienneté de les mettre à disposition des dispositifs festivaliers pour éviter de gérer trop d’heures sup’. C’est aussi une forme d’engagement citoyen pour leur ville. Nous creusons une autre piste, celle de consacrer les journées d’ancienneté à des séquences managériales. Pendant une journée ou deux dans l’année, les agents bénéficieraient de moments d’échanges, ce qui ne peut que leur apportait un plus. Au final, on reviendrait aux 1 607 heures mais pas de façon bête et méchante.

Sur le RIFSEEP, comment agissez-vous ?

Dans un contexte de fonctionnaire bashing, nous souhaitons montrer aux habitants que nous sommes responsables. Cette réorganisation est une manière de leur dire, nous faisons aussi des efforts pour vous rendre un meilleur service public. Sur le RIFSEEP, toute l’interrogation porte autour du CIA, le complément indemnitaire de l’agent, pour reconnaissance de son investissement personnel. Là aussi, nous sommes en discussion, rien n’est encore décidé. Sur ce dossier, j’ai peur que l’on passe le plus clair de notre temps à discuter le bout de gras avec les syndicats pour quelques dizaines d’euros d’augmentation sur une fiche de paie, en oubliant la dynamique collective. Je préfère dire aux agents : fixez-vous des objectifs collectifs et s’ils sont atteints, ils seront récompensés collectivement… Pour le bon fonctionnement des services, je crois plus à une émulation collective qu’individuelle. Nous reportons la mise en œuvre du CIA à 2020 en testant la formule collective pour 2019. Nous travaillons avec les cadres et les syndicats pour définir les indicateurs d’une amélioration de la performance collective. Attendons de voir ce qui sortira de la négociation…

Interview de Stéphane Menu

Le conseil « carrière » de Pierrick Raude

 « Etre clair avec soi-même »

 « Je crois qu’il faut avant tout être clair avec soi-même sur son projet professionnel  à court, moyen voir long terme. Il faut aussi être prêt à la mobilité : un changement de collectivité permet de se confronter à d’autres types de fonctionnement et à faire fructifier ses apprentissages acquis dans ses expériences précédentes. Il est nécessaire aujourd’hui d’être actif sur les réseaux sociaux : c’est aussi une bonne manière de participer à des réflexions ou à des projets qui peuvent être valorisés différemment ».

Une prime qui mérite… le respect

Billet Laurence DENES - Etoile Mag - Une prime qui mérite… le respect Au cœur de la Charente, une PME de 300 salariés fait bouger les lignes managériales depuis quinze ans pour libérer entreprise et performance. Avec, entre autres, une prime aux valeurs qui pourrait bien inspirer nos administrations… (Rifseep) Etoile Mag Actualités

On peut être implanté à Mouthiers-sur-Boëme et être plus tendance qu’une agence de com’ new-yorkais. On peut être une entreprise transmise de grand-père en petit-fils et être plus novateur qu’une start-up. On peut fabriquer des clôtures et être plus ouvert que l’Espace Schengen… La preuve ? Lippi qui, en pleine Charente, parie sur l’intelligence collective depuis quinze ans ! Avec, à la source, une véritable « croyance » comme l’exprime son directeur général lui-même, Julien Lippi : « celle que l’individu, dans l’entreprise, aspire par son travail à son élévation personnelle. »*

Et voilà donc cet homme, au métier pourtant de cloisonner, qui n’a de cesse de réinventer les espaces d’autonomie et de décision au sein de son organisation. Il s’appuie sur « les « lippiens » eux-mêmes – comme ils se sont nommés – [lesquels] ont proposé un certain nombre de solutions. Formation, droit à l’erreur, compression hiérarchique, auto-organisation, vision partagée… Rien ici ne se fait tout à fait comme ailleurs… Jusqu’au système de primes et de hausses de salaire, basé non pas sur les performances, mais sur trois valeurs : le respect des autres, la disponibilité pour les proches collaborateurs et la disponibilité pour les collaborateurs des autres services.  Car « la question n’est pas de perfectionner le système de contrôle mais de permettre à l’individu d’exprimer pleinement ses talents », soutient Julien Lippi. Or, comment le faire mieux que dans un esprit solidaire et collaboratif ?

Alors, en attendant l’émancipation d’une administration publique visiblement moins prompte à se libérer qu’Houdini, si nous commencions par un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, de la sympathie, de l’entraide, de l’écoute et de la politesse (RIFSEEP) ? Voilà une prime individuelle qui profiterait enfin vraiment au collectif en commençant par libérer… quelques sourires !

*Interview à écouter sur https://rcf.fr/culture/lippi-faire-confiance-et-organiser-la-decision-au-plus-pres-du-terrain

Laurence Denès

 

Parce que Neuville : Ils aiment leur commune et en font un film

Brève : Parce que Neuville - Ils aiment leur commune et en font un film. Neuville-de-Poitou est une commune attachante. Un couple d’habitants a décidé d’en faire la trame d’un film, comme une ode à la qualité de vie urbaine. A lire sur Etoile Mag Actualités.

David et Sophie Henry vivent et travaillent depuis des années à Neuville-de-Poitou (Vienne). Et pour rien au monde, ils ne quitteraient cette commune de 5 000 âmes : « Pourquoi Neuville ? Parce que Neuville ! », se sont-ils dits de conserve. Musicien, David a cherché un « concept. Chaque Neuvillois a son histoire, d’attaches et d’enracinement. Ce sera une constellation de la petite histoire de chacun dans l’histoire de Neuville. Il faut que ce soit naturel, sans préavis. Bref, ce sera la France libre », s’exclame-t-il. A la mairie, Isabelle Capet, adjointe en charge de la communication, a été emballée par le projet. Pendant un an, une soixantaine de Neuvillois volontaires ont joué le jeu, s’interviewant entre eux, pour parler de la ville, de ses recoins intimes, du rapport que les uns et les autres y entretiennent.
« Chaque scène est une histoire en elle-même », résume David. Le film a été diffusé deux fois de suite en fin d’année 2017 au Majestic, le cinéma de la ville, en présence des acteurs et de nombreux habitants.

Stéphane Menu

« Bien-faire son travail pour bien être au travail » – Antoine Bonnemain

Interview de Antoine Bonnemain - « Bien-faire son travail pour bien être au travail » A lire sur Etoile Mag. Chercheur au Centre de Recherche sur le Travail et le Développement du CNAM au sein de l’équipe de Psychologie du Travail et Clinique de l’Activité, Antoine Bonnemain intervient à Lille au sein de la direction de la propreté pour analyser le travail avec les agents. Avec une approche clarifiée : le bien-être au travail est conciliable avec les performances de la hiérarchie si et seulement si les critères de qualité du travail peuvent se discuter dans l’organisation.

Vous avez été récemment sollicité par la mairie de Lille pour améliorer les performances au travail des agents de la propreté. En quoi consiste votre intervention ?

Notre travail, au centre de recherche qu’Yves Clot a longtemps dirigé, consiste à analyser le travail au plus près avec les salariés concernés, ici en vue d’engager une réorganisation du service, quand ces derniers sont d’accord avec leur hiérarchie pour que nous agissions de la sorte. Vous citez l’expérience de Lille mais nous travaillons de la même manière avec les salariés de l’usine de Flins de Renault ou encore dans un EPHAD. Pour nous, la question du bien-être au travail est organiquement liée à celle du bien-faire son travail. Les gens se portent naturellement mieux quand ils peuvent agir sur leur travail ; si une machine ne marche pas, il y aura forcément une conséquence pour eux dans le ressenti du travail même si l’identification de la source du mal-être – la machine défectueuse – ne s’imposera pas naturellement. Les salariés sont fatigués de ces dysfonctionnements sur lesquels ils ont le sentiment de ne pas pouvoir agir. Peut-être vont-ils s’habituer à ce défaut récurent de la machine, mais cela aura des conséquences négatives sur leur santé. Tout notre travail consiste à mettre en évidence les problèmes qu’ils rencontrent pour instaurer ensuite avec eux un dialogue constructif avec la hiérarchie.

Comment agissez-vous ?

Je passe du temps avec les salariés. Je dois d’abord me positionner comme chercheur, comme quelqu’un qui va leur permettre de discuter ensemble des problèmes de travail, et non comme celui qui va mettre au point un dispositif déjà discuté avec la direction. On filme les échanges, les manières de travailler. On regarde ensuite les images ensemble qui portent une lumière crue sur les difficultés. C’est la phase de dénaturalisation du problème, d’apparition de quelque chose qui cloche qui n’était pas jusqu’ici pris en compte. Par exemple, les containers qui roulent mal n’étaient pas considérés au départ comme un problème majeur par les agents, « ça fait partie du travail » disaient-ils. Ça l’est devenu à la vue des images et la ville de Lille s’est engagée à les renouveler à l’issu du travail engagé. Nous terminons notre travail avec la mairie de Lille au mois de novembre prochain. Des salariés ont été désignés pour assurer le suivi de la démarche en interne, en accord avec les syndicats, associés dès le début. Ces « référents-métier » ont vocation à inscrire avec la direction et les organisations syndicales un dialogue dans le temps, une fois que l’équipe du Cnam se sera retirée du dispositif. C’est le plus difficile car il ne faut rien lâcher sur les problèmes perçus par les salariés et remontés vers la hiérarchie par les référents-métier : c’est l’installation d’une nouvelle forme de coopération qui reste toujours potentiellement conflictuelle. Il faut que le climat de confiance instauré puisse régulièrement déboucher sur des solutions durables sans que ces dernières apparaissent comme des caprices. Par exemple, chez Renault, à Flins, le dispositif est en place depuis maintenant trois ans.

Performances au travail et bien-vivre son travail sont-ils conciliables ?

Nous constatons chaque jour que les contraintes sur le travail sont de plus en plus fortes sur les salariés, ce qui entraîne une fragilisation de leur santé. On s’abime à développer le sentiment qu’on n’a pas la main sur ce qui nous arrive au travail. Nous ne portons pas de jugement sur la volonté des directions des entreprises d’améliorer leurs performances, ce qui est plutôt un bon point de départ quand on veut les développer. Car performance et santé vont de pair, à conditions que le travail – ce qui est bien ou non, performant ou pas – puisse se discuter de haut en bas de l’organisation, pour décider. Tout cela s’organise et ne va pas de soi. Comment concilier performances et bien-être au travail et donc bien-faire son travail ? C’est à cet endroit que nous proposons des méthodologies qui permettent de redonner du souffle à un dialogue social encore trop souvent désindexé du travail réel dans les organisations contemporaines.

Stéphane Menu

Réforme : Rouban cherche le « big-bang »

Réforme : Rouban cherche le « big-bang ». Directeur de recherche au CNRS et au Cevipof, auteur de « Quel avenir pour la fonction publique ? » (Documentation Française, 2017), Luc Rouban est l’un des meilleurs observateurs du secteur public. Pour lui, en l’état, Macron ne va pas transformer radicalement la fonction publique. A lire sur Etoile Mag Actualités.

A ses yeux, les dernières propositions d’Emmanuel Macron pour réformer la fonction publique sont très loin de pouvoir causer un « big-bang », comme il a pu le lire ici ou là. Dans un entretien accordé à l’Obs, il précise sa pensée : « Je vois vos confrères qui parlent partout de ‘big bang’, on en est loin. Je dirais même qu’on est très en-deçà d’une réforme qui serait vraiment décisive. Pratiquement toutes les mesures annoncées ont déjà été utilisées dans le passé. La proportion de contractuels ne cesse d’augmenter depuis 20 ans partout dans la fonction publique, et ça ne remet pas en cause l’utilisation de fonctionnaires. La modulation des primes sera peut-être généralisée, mais elle existe déjà. Le plan de départs volontaires est certainement le point le plus intéressant et le plus novateur [depuis 2008, les fonctionnaires d’Etat peuvent déjà bénéficier d’une indemnité de départ volontaire s’ils souhaitent démissionner, sous certaines conditions. Cette disposition a été étendue aux fonctionnaires territoriaux en 2009, NDLR] Mais aussi le plus conflictuel avec les syndicats ». Bref, pour l’heure, rien de nouveau sous le soleil. Un point de vue que les syndicats de la fonction publique ne partagent certainement pas.

Stéphane Menu

https://www.nouvelobs.com/politique/20180202.OBS1642/reforme-de-la-fonction-publique-on-est-loin-d-un-big-bang.html

Poker manager !

A lire sur Etoile Mag Actualités : Poker manager. Montre-moi comment tu joues, je te dirai quel manager tu fais ! En se basant sur le poker, le cabinet Coheliance découvre les comportements professionnels. Mais annonce-t-il vraiment toute la couleur ?

Le jeu de poker comme métaphore des situations professionnelles… Tel est le concept mis au point depuis quelques années par le cabinet d’accompagnement et de coaching Coheliance. Le principe en est assez simple, pour ne pas dire évident : les règles du jeu constituent l’environnement qu’il faut connaître autant qu’il faut savoir s’y adapter, la participation à un tournoi conduit à l’élaboration d’une stratégie et gagner la partie correspond à… gagner la partie ! Sans oublier, bien évidemment la question de la mise dans lequel chacun lira sa capacité à prendre des risques calculés, voire à calculer ses risques. Dans une interview donnée à FR 3 Bourgogne en 2016, Patrice Fosset, créateur et responsable du réseau Coach Poker Management expliquait comment « l’enjeu de ces sessions est de déterminer ses zones de fragilité et de confort afin d’apprendre à s’en servir judicieusement dans son métier. »

En clair, un bon manager se devrait de développer les mêmes qualités qu’un bon joueur, à savoir le self contrôle, la patience, la capacité de gérer les risques et celle de se remettre en question en fonction du contexte ainsi que, sans doute, la faculté d’observation, notamment portée au non-verbal… Mais pas un mot, en revanche, du fameux bluff que le poker élève pourtant en art consommé au point d’en être quasiment devenu un synonyme. Alors, pudeur de gazelle devant un management dont la première exigence serait désormais devenue la transparence ou ruse de renard qui ne saurait abattre immédiatement toutes ses cartes ?… Quoi qu’il en soit, une fort magistrale première leçon de bluff !

Laurence Denès