Les managers veulent-ils tuer le télétravail ?

L’expérimentation du télétravail dans la fonction publique se développe petit à petit sous l’impulsion du décret du 11 février 2016, même si certaines grandes collectivités l’avaient déjà mis en place dès 2011. C’est l’un des thèmes abordés lors de la 7e conférence annuelle de l’emploi et de la gestion des ressources humaines organisée par le CIG Petite couronne d’Ile-de-France le 5 décembre 2017.

« Le télétravail est une  belle opportunité pour développer une logique d’engagement et de responsabilisation des agents et des salariés, logique née en 2013 avec l’accord national interprofessionnel sur la qualité de vie au travail », souligne Yves Badoual, chargé de mission télétravail au sein de l’ANACT/ARACT , précisant que « cet accord est en rupture avec une phase d’injonctions, en vogue depuis la fin des années 1990, qui visait à soustraire les salariés à tous types d’exposition aux risques. »

Précisément défini, basé sur le volontariat, la réversibilité, la responsabilité de l’employeur par rapport au poste de télétravail ou encore la protection de la vie privée, le télétravail pose aussi  la question centrale du management et du collectif.

« Les managers se demandent s’ils doivent faire confiance ou non aux agents, affirme Yves Badoual. En outre, le télétravail les oblige à évoluer dans la gestion du collectif et à prévoir, par exemple, sur le temps de présence des réunions d’équipe de meilleure qualité. »

Portage au plus haut niveau

A la mairie de Paris, qui compte 54 000 agents, le télétravail a été plébiscité à l’issue d’une enquête réalisée en 2015 pour déterminer les innovations à réaliser. Après une première phase d’expérimentation de juin 2016 à mai 2017, menée avec 150 agents volontaires accompagnés de leurs encadrants, l’objectif est d’atteindre 1500 postes en télétravail d’ici à 2020.

« Le plus compliqué a été de convaincre la centaine de managers, confie Véronique Franck-Manfredo, chef de projet télétravail à la mairie de Paris. Soit parce que les cadres eux-mêmes s’interdisent de travailler à domicile de crainte de ne pouvoir surveiller leurs troupes, soit parce que leurs propres directeurs se montrent réticents à l’idée que leurs plus proches collaborateurs bénéficient du télétravail ».

Une nouvelle enquête vient  d’être lancée par la ville de Paris dans le but d’aider les encadrants à réorganiser leurs services et à préserver le collectif. Une autre va l’être auprès des agents eux-mêmes. « Fin 2018, nous en dresserons le bilan  et nous verrons ce qui doit être amélioré », indique la chef de projet, reconnaissant, par ailleurs, que le portage du télétravail au plus haut niveau, celui du maire et de l’élu RH, ainsi que par les syndicats, est un des gages de réussite.

Managers « grognons »

Le groupe La Poste, qui compte près de 260 000 collaborateurs parmi lesquels une partie de fonctionnaires, s’est résolument engagé dans la voie du télétravail après un accord majoritaire signé en 2013. « Parmi les différents objectifs poursuivis, indique Bénédicte Sonier, responsable du département statuts et convention, figure la modernisation des relations managériales. S’agissant des managers hostiles, nous les avons alerté sur le fait que le télétravail se développant ailleurs dans l’entreprise, cela les fera paraître « out » aux yeux des salariés, et que leur direction perdrait en attractivité. »

Si certaines études mettent en avant les avantages du télétravail tels que la hausse de la productivité, la réduction de l’absentéisme, l’effet positif sur l’environnement, la baisse du stress des agents, etc, l’effet de massification du phénomène pourrait aussi entraîner une dépersonnalisation des relations au travail. C’est peut-être ce que veulent exprimer, parfois maladroitement, certains managers « grognons »…

Emmanuelle Quémard

Chiens au travail : l’antistress de l’openspace !

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Baisse de l’hypertension, diminution du stress… Même le philosophe et sociologue Frédéric Lenoir n’en démord pas : « L’animal est un bon médiateur et crée des liens de convivialité entre les employés*. » Depuis des années, les études se succèdent pour toutes témoigner du formidable impact de la présence des chiens sur les lieux de travail. Du coup, une entreprise américaine sur cinq autoriserait déjà la gamelle d’eau sous le bureau tandis que, chaque année depuis 2014, la journée « Bring your dog to work day » tente d’en élargir l’initiative à des centaines d’autres patrons de tout poil, que ce soit au Royaume-Uni, aux États-Unis ou aux Pays-Bas… Une niche dans laquelle les organisations tricolores pourraient bien être, aussi, tentées de s’engager, pour le plus grand bonheur de ces milliers de propriétaires d’animaux dont 84 % rêvent d’emmener Médor au boulot*.

Mais attention : car si les entreprises sont ainsi de plus en plus soucieuses de caresser leurs collaborateurs dans le sens du pelage, ces derniers pourraient bien finir par tomber sur un os, privés de l’excuse de rentrer pour promener Mirza. D’ailleurs, c’est, là encore, scientifiquement prouvé : sur les lieux de travail, la présence des toutous augmente nettement la fidélité… des maîtres ! Mais, in fine, qu’importe si derrière cette histoire de chien se cache – ou pas – un loup, introduit au seul nom de la productivité. L’important reste toujours qu’en bout de chaîne, plus personne ne se fasse aboyer dessus.

* Lu sur www.lefigaro.fr – 23 juin 2017 ** Site animalier Wamiz – Avril 2017

Laurence Denès

L’arroseur arrosé

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Ce sont les décisions de l’Etat qui ont un effet inflationniste sur le nombre de fonctionnaires territoriaux ! C’est ce qui ressort clairement de la troisième édition du baromètre HoRHizons 2017 sur les tendances de l’emploi territorial et politiques RH des collectivités.

« Il y a nécessité [pour les collectivités territoriales] de renforcer le dialogue avec l’État [sur la question des ressources humaines], car la maîtrise de la masse salariale ne dépend pas que de nous », soutient Alexandre Touzet, représentant de l’ADF, dans les colonnes de la Gazette des Communes. « Plus de 50 % de l’augmentation de la masse salariale est à mettre en lien avec les effets de l’accord ‘Parcours professionnel carrières et rémunérations’ », assure de son côté François Deluga, président du CNFPT et vice-président de l’AMF. L’étude révèle par ailleurs que les dépenses de personnel sont stables, notamment pour les communes de 20 000 habitants. Les augmentations concernent essentiellement les Régions et les communautés de communes, « qui sont les deux niveaux qui ont été le plus impactés par les transferts de personnel », précise le baromètre.

Stéphane Menu

Le fonctionnaire et le philosophe. Dialogue sur l’intérêt général

A lire : "Le fonctionnaire et le philosophe". Par Hugues Perinel sur Etoile Mag

Si le « sens de l’intérêt général » demeure une formule usitée, la définition de ce concept va de moins en moins de soi, dans une société où il est de plus en plus difficile de définir et de se prévaloir de la « volonté générale ». Conscients de ces difficultés, les auteurs  – François Chambon et Martin Steffens – ont considéré que le dialogue était une autre façon de contribuer à répondre aux questions que le citoyen, l’usager et le contribuable sont légitimes à se poser. Qu’est-ce que le service public ? A quoi sert l’administration ? Qu’est-ce qu’un fonctionnaire ? Quels sont ses sources ? Ses ressources ? Sa vocation ? Son temps et son espace ? Ses défis ? Son art ?

Une approche originale, un dialogue sur l’intérêt général entre un philosophe et un fonctionnaire. L’homme des concepts interroge et pousse dans ses retranchements l’administrateur, dans le seul but de répondre à la question qui transcende toutes les autres : qu’est-ce que l’intérêt général ?

Hugues Perinel

Livre Le fonctionnaire et le philosophe. Mettis Editions. 

Dim. 14,9 x 21 cm.  128 pages.

« Etre fonctionnaire, une superbe mission ! »

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Quels conseils donneriez-vous aux cadres dirigeants des fonctions publiques pour relever le défi que leur impose à la fois le numérique et un contexte de réforme permanente qui laisserait supposer que la fonction publique n’est pas irremplaçable ?

La remise en cause de la fonction publique repose sur trois idées reçues auxquelles il est facile d’opposer des contre-arguments. 1, il y a trop de fonctionnaires et ils coûtent trop chers. 2, la révolution numérique va supprimer des fonctionnaires et c’est une bonne chose. 3, les fonctionnaires ont bien de la chance d’avoir un emploi à vie face à des salariés du privé plus exposés face aux fluctuations économiques. C’est oublier qu’en France, on n’est pas plus à gauche qu’à droite en matière de gestion du bien public que l’on a décidé de confier à l’Etat. La France, c’est l’Etat. Notre pays est confronté à plusieurs fractures : spatiales, numériques, familiales, intergénérationnelles (jeunes bloqués, séniors épanouis), éducatives, professionnelles, communautaires, etc. Peurs écologiques, migrants, jeunes, face à la montée de l’impuissance publique. Pour s’adapter, la fonction publique doit prendre le train numérique, repenser ses métiers et ses organisations en urgence.

Comment verriez-vous évoluer cette fonction publique dans les prochaines années ?

Je ne pense pas que l’on va diminuer le nombre des agents dans les trois fonctions publiques. Elles se transformeront, passant de fonctionnaires qui fonctionnent, si j’ose dire, à savoir qui suivent de près le bon fonctionnement des règlementations, travail qui sera rapidement automatisé, à des fonctionnaires qui missionnent, à savoir des agents qui prennent plus de temps de réfléchir à la pertinence de l’intervention publique sur le bâti et l’humain. Si l’on se réfère au dernier sommet européen de Talin en septembre, consacré justement aux impacts de la révolution digitale sur les administrations, l’Estonie montre l’exemple en numérisant toutes ces données et en réduisant ses coûts de 2 % par an. En France, ça va prendre du temps mais cette transition permettra de conférer aux fonctionnaires la mission de diminuer les peurs dont je parlais plus haut. Car il ne faut pas se tromper de révolution : le digital transformera des circuits logiques organisationnels et non des problèmes sociaux.

En interne, quel discours les cadres dirigeants doivent-ils tenir, dans un contexte d’avenir peu perceptible ? Comment mobiliser des agents dans un contexte si incertain ?

Etre fonctionnaire, c’est un boulot qui a du sens, même si parfois les fonctionnaires l’oublient ou qu’on oublie de le leur rappeler. Or, c’est une superbe mission. Beaucoup de salariés du privé envient les fonctionnaires, l’engagement des salariés du privé ne servant qu’à arrondir les dividendes des actionnaires. Il faut que les cadres se persuadent de plusieurs choses : non, la fonction publique ne sera pas remplacée ; il n’est pas sûr qu’elle régresse autant que certains le redoutent ; elle va se transformer, passant du service public à la transformation publique. Il y a donc un bel avenir pour elle. Il y aura un affaiblissement du lien hiérarchique, statutaire. On sera moins dans la logique, dévolue aux algorithmes du numérique, mais plus dans la gestion des émotions, que l’on n’apprend pas dans les écoles de formation des futurs cadres de la fonction publique et c’est bien dommage. Il y aura une attente d’un leadership humble, qui éclaire le sens plus qu’il ne donne d’ordres. Ce qui va tout changer : salaires, rapport à la hiérarchie, etc. J’aime bien la phrase du philosophe Thucydide : « L’épaisseur d’une muraille compte moins que la volonté de la franchir ». A méditer…

Interview de Stéphane Menu

Accès des femmes aux postes de direction : les quotas font leur chemin !

L'accès des femmes fonctionnaires aux postes de d'encadrement supérieur et de direction progresse sous l'effet de la loi. La mise en place de quotas, même décriée, permet aussi de faire évoluer les mentalités.

La fonction publique n’est pas épargnée par le débat qui traverse encore et toujours la société française sur la place des femmes dans l’univers professionnel. A l’instar des femmes élues, récemment réunies lors d’un premier Forum à l’occasion du 100e congrès des maires, les femmes fonctionnaires se heurtent à un moment ou à un autre de leur carrière au fameux « plafond de verre ». La politique des quotas, longtemps conspuée par les femmes elles-mêmes, a pourtant fait son chemin dans les têtes, comme au cœur des textes législatifs. Sans les lois sur la parité et l’égalité professionnelle femmes-hommes, les lignes n’auraient sans doute pas bougé. La loi Sauvadet de 2012, dont l’ambition était notamment de renforcer la représentation des femmes sur les postes d’encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique au moyen des quotas, a marqué un tournant dans cette prise de conscience. Ses obligations ont d’ailleurs été revues à la hausse en 2014  avec la loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Selon les derniers chiffres publiés dans le rapport annuel 2016 sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique, la proportion de femmes nouvellement nommées sur les emplois de cadres dirigeants est ainsi passée de 24 % en 2012 à 32 % en 2015, un peu au-dessus de l’objectif fixé. A compter de 2017, le taux de 40% de femmes primo-nommées devra être atteint, sous peine de pénalités financières pour les employeurs publics (90 000 euros par « unité manquante »…).

En finir avec la culture du présentéisme

« Cette loi de 2012 est intéressante, mais insuffisante, estime Françoise Descamps-Crosnier, auteure du rapport » sur les inégalités de rémunération et de parcours professionnels entre femmes et hommes dans la fonction publique publié en 2017. Il faut aller bien plus loin, notamment en abaissant le seuil d’application du dispositif pour les collectivités et les EPCI de 80.000 à 20.000 habitants, en mettant en place le fonds pour recueillir l’affectation du produit des pénalités et en travaillant sur les stocks et pas seulement sur les flux ».

Avouant être « philosophiquement » contre la méthode des quotas, l’ex-députée des Yvelines reconnaît aussi que « s’il n’y a pas de contrainte, l’intégration des femmes sur les postes dirigeants n’avance pas. » La dimension managériale est également primordiale pour parvenir à davantage d’équité. « Il faut en finir avec la culture du présentéisme et développer les chartes des temps, souligne-t-elle. De même, il faut agir sur la formation des managers et les sensibiliser davantage à la prise en compte de l’égalité femmes-hommes. »

Une vision différente chez les jeunes générations

Claude Soret-Virolle, présidente de l’ADT-Inet et DGA du CIG Grande Couronne de la région Ile-de-France, demeure attachée à la mixité des équipes de direction. « Les hommes et les femmes ont un mode de fonctionnement et une sensibilité différents, témoigne-t-elle. Cela se retrouve sur des sujets comme le télétravail, le mode de management ou encore l’organisation du temps de travail. » « Personnellement, j’étais très partagée sur le dispositif des quotas, ajoute-t-elle, mais je reconnais que c’est la moins mauvaise des solutions pour faire évoluer les mentalités. En outre, la vision différente du monde du travail portée par les jeunes générations,- qui privilégient une meilleure articulation vie privée-vie professionnelle et ne sont pas forcément sur des stratégies de pouvoir, va jouer en faveur de la mixité des points de vue. »

Marie-Francine François, directrice générale des services de Clermont-Ferrand, expérimente, pour sa part et depuis peu, une DG entièrement féminine. « C’est la première fois que je travaille avec une équipe monocolore, confie-t-elle. Cela se passe très bien même si parfois, comme nous sommes toutes les cinq sur le même registre, il manque un peu de confrontations d’idées, de contradictions. Mais, je reste persuadée que la loi a obligé un certain nombre de DG et d’exécutifs à se poser la question de la parité. »

Emmanuelle Quémard

« Nous voulons convaincre le secteur public de diversifier son recrutement »

Interview de Saïd Hammouche, fondateur du cabinet de recrutement Mozaïk RH. « Nous voulons convaincre le secteur public à diversifier son recrutement ». Cabinet spécialisé dans le recrutement de salariés issus de la diversité sociale, Mozaïk RH entend faire passer le message auprès de la fonction publique, peu exemplaire en la matière.

Vous venez de récompenser 10 entreprises pour leur attitude exemplaire en matière de diversité dans leur recrutement. Pourquoi une telle initiative ?

Notre manifestation, le « Top 10 des recruteurs de la diversité », met en effet en valeur les entreprises engagées dans une démarche de diversification de leur recrutement. Nous avons distingué trois groupes d’entreprises : les grandes entreprises, le groupe des TPE-PME et start-ups et enfin les entreprises de l’économie sociale et solidaire ainsi que les fondations. Elles sont exemplaires parce qu’elles rappellent une évidence, rabâchée dans tous les rapports : la diversité sociale est une chance pour la croissance économique d’un pays. Dans ce domaine, nous faisons le constat que le privé évolue plus vite que le public en matière de discriminations raciales. Notre priorité est donc aujourd’hui de convaincre le public.

En 2016, l’économiste Yannick L’Horty (1) a publié un rapport qui éclaire en effet crûment le retard du secteur public dans ce domaine…

Oui, il est même étonnant que toutes les administrations centrales ne soient pas labellisées charte de la diversité. L’Etat ne donne donc pas l’exemple. Le discours que nous entendons est celui d’une fonction publique qui recrute des bas niveaux de qualification qui ne pourraient pas exercer dans le privé. Les services RH de ces organismes se satisfont-ils de ce minimum ? C’est possible… Certaines entreprises publiques évoluent plus vite. En 2016, nous avons réussi à faire entrer 50 jeunes à Radio France. Nous travaillons facilement avec certains ministères, notamment ceux labellisés diversité. Les relais sont plus difficiles à trouver dans la Fonction publique territoriale. Le Grand Lyon, labellisé diversité, est réceptif à notre discours. Mais nous devons aller plus loin et l’une de nos priorités de 2018 consistera justement à mieux se faire connaître auprès de la Fonction publique territoriale.

Comment avez-vous eu l’idée de créer Mozaïk Rh ?

En janvier 2008, nous étions un certain nombre d’acteurs de la société civile à vouloir traiter des discriminations à l’emploi. Il s’agissait de créer un cabinet de recrutement pour révéler aux acteurs économiques la présence de talents issus des quartiers prioritaires. Nous sommes partis sans le moindre soutien parce que nous ne voulions pas bénéficier de financements publics, aide qui, généralement, limite quelque peu la créativité. Je viens pourtant de la fonction publique d’Etat, plus précisément du service de la formation continue au rectorat de Paris. Au début, je n’avais ni réseau ni argent pour financer la démarche. Nous sommes dans un engagement de valeurs. Nous avons volontairement conservé notre statut associatif. Beaucoup de personnes nous poussent à basculer sur un statut privé. Mais, avec les 35 salariés que comptent désormais Mozaïk -et oui, nous avons aussi créé de l’emploi-, nous souhaitons rester en l’état.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

En 2016, 4 000 jeunes ont pu signer un contrat grâce à nous. Nous avons travaillé avec une boite sur deux du Cac 40. Les discriminations raciales ne vont pas pour autant disparaître du jour au lendemain mais on peut espérer qu’une prise de conscience a eu lieu. Les entreprises qui nous font confiance ont compris qu’elles devaient changer de regard. J’avais écrit un livre avec Vincent Edin sur ce thème en 2012, « Chronique de la discrimination ordinaire ». Le maintien d’un système discriminatoire coûte 10 000 euros par personne en France chaque année. France Stratégie vient de révéler que les discriminations, au sens large, font perdre chaque année 6 points de Pib au pays, soit 150 milliards d’euros. La révolution est en marche.

(1) Yannick L’Horty, professeur à l’Université Paris-Est Marne-La-Vallée, a remis au Premier ministre le rapport de la mission qu’il a dirigée sur « Les discriminations dans l’accès à l’emploi public ». A ses yeux, le concours n’assurerait pas sa fonction de neutralité face à l’emploi dans la fonction publique ; il souligne le fait que les employeurs publics seraient « victimes » de « stéréotypes » dans leur recrutement.

Interview par Stéphane Menu

Des « pantoufleurs » sachant pantoufler

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EDF, Veolia ou encore BNP Paribas… De grands groupes aux épaules solides qui n’hésitent pas à recruter dans la fonction publique, essentiellement d’Etat, pour renforcer leurs équipes. Quid, dans ce cas-là, du « pantouflage » ?

Auditionnés le 21 novembre dernier, les DRH sont unanimes : il faut plus de contrôle ! Mieux encore, dans le cas où des agents publics partis dans le privé reviennent dans leurs administrations d’origine, le dit contrôle (aujourd’hui inexistant) serait des plus utiles. Il n’est pas rare que certains hauts fonctionnaires, après un passage dans le privé, décident de revenir à leurs premières amours publiques. Ils passent alors par la Commission de déontologie de la fonction publique qui émet parfois des avis favorables mais « avec réserves ». Ces dernières peuvent ainsi empêcher certains d’entre eux de renouer avec leur administration d’origine.

Or, le moins que l’on puisse écrire, c’est que les dites « réserves » ne font pas l’objet d’un contrôle poussé, tant s’en faut. « L’administration ne nous a jamais contactés », avoue ainsi Jean-Marie Lambert, DRH de Veolia qui « recrute entre un et cinq fonctionnaires par an ». Même son de cloche du côté de Nicole Verdier-Naves, directrice dirigeants, talents et formation des managers à la DRH du groupe EDF : « Je n’ai jamais eu de suivi des avis de la commission [mais] je n’ai pas encore eu à sanctionner un agent pour défaut de déontologie ou de non-respect de l’avis de la Commission ». Co-rapporteur de la mission, le député Les Républicains Olivier Marleix ne peut que regretter de « fortes lacunes » en la matière, pouvant déboucher sur de « potentiels » conflits d’intérêt. « Personne n’effectue véritablement le contrôle des relations entre les fonctionnaires partis dans le privé et leur administration d’origine, insiste le parlementaire. Les administrions ne sont pas organisées pour faire respecter les avis de la Commission de déontologie ».

Les députés Fabien Matras et Olivier Marleix, respectivement président et co-rapporteur de la mission d’information, rendront les conclusions de leurs travaux devant la commission des lois de l’Assemblée nationale à la mi-décembre. A l’heure où le besoin de transparence est porté comme un étendard, on peut imaginer que des mesures fortes seront alors annoncées… et exaucées par le privé !

Stéphane Menu

Formation territoriale : ouvrons le débat !

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Jean Marc Sauvé, qui préside aussi le conseil d’administration de l’ENA, s’est exprimé récemment sur  les évolutions des besoins en compétence de la fonction publique et en conséquence sur les modifications  des formations dispensées dans cette école. Mais qu’en est-il des collectivités locales ?

Les concernant, du fait du principe de leur libre administration, la formation de leurs agents dépend de leur action. Pour ce faire, elles disposent notamment d’un outil, le CNFPT, et d’une école, l’INET. Mais il y a bien longtemps qu’une réflexion impliquant  les employeurs à savoir les élus, et les agents territoriaux  ne s’est pas produite,  alors que leurs champs d’activités et les attentes de nos concitoyens changent fondamentalement. Le CNFPT a en son sein un Conseil National d’orientation ; il pourrait se saisir de ces questions et impliquer fortement le Conseil Supérieur de la fonction Publique territoriale. L’INET pourrait également lancer, enfin, un vrai conseil scientifique, qui travaillerait et proposerait sans tabous  de nouvelles manières de former et d’apprendre. Comment faire face aux prévisibles évolutions institutionnelles ? Quelle place pour les collectivités dans le concert national et quels besoins de compétences ?

L’action territoriale doit sortir du conformisme du « toujours plus » et de la sempiternelle revendication financière. Les agents publics locaux doivent faire preuve d’indépendance et d’innovation, les élus doivent prendre conscience que par delà la charge qu’ils représentent, leurs agents sont une ressource. Il est temps d’ouvrir ce débat.

Christian Olivérès

 

En Eure-et-Loir, on prépare la relève des secrétaires de mairie

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On les présente comme les petites mains de la fonction publique territoriale de proximité.  Mais elles sont bien plus que ça. Sans les secrétaires de mairie, une partie de la France rurale ne serait pas la même. En Eure-et-Loir, le Greta et le Cdg 28 ont mis au point une formation de secrétaire de mairie et d’adjoint au cadre en collectivité grâce au soutien financier de la Région. Un tiers des secrétaires de mairie partiront à la retraite en 2020 ; il fallait donc réagir. Depuis 2010, le dispositif a permis de former 86 stagiaires dont le taux de retour à l’emploi avoisine les 80%. L’objectif est clair : professionnaliser des demandeurs d’emploi afin de les rendre opérationnels et employables pour répondre aux besoins des collectivités quelle que soit leur taille. Pour se présenter à la formation, les stagiaires doivent être inscrits à Pôle emploi et être bacheliers. Face au succès de cette formation, le Cdg a déposé une demande de validation de cette certification dont les stagiaires pourront bénéficier rétroactivement jusqu’à 3 ans en arrière.

Stéphane Menu