La fonction publique n’est pas épargnée par le débat qui traverse encore et toujours la société française sur la place des femmes dans l’univers professionnel. A l’instar des femmes élues, récemment réunies lors d’un premier Forum à l’occasion du 100e congrès des maires, les femmes fonctionnaires se heurtent à un moment ou à un autre de leur carrière au fameux « plafond de verre ». La politique des quotas, longtemps conspuée par les femmes elles-mêmes, a pourtant fait son chemin dans les têtes, comme au cœur des textes législatifs. Sans les lois sur la parité et l’égalité professionnelle femmes-hommes, les lignes n’auraient sans doute pas bougé. La loi Sauvadet de 2012, dont l’ambition était notamment de renforcer la représentation des femmes sur les postes d’encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique au moyen des quotas, a marqué un tournant dans cette prise de conscience. Ses obligations ont d’ailleurs été revues à la hausse en 2014 avec la loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Selon les derniers chiffres publiés dans le rapport annuel 2016 sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique, la proportion de femmes nouvellement nommées sur les emplois de cadres dirigeants est ainsi passée de 24 % en 2012 à 32 % en 2015, un peu au-dessus de l’objectif fixé. A compter de 2017, le taux de 40% de femmes primo-nommées devra être atteint, sous peine de pénalités financières pour les employeurs publics (90 000 euros par « unité manquante »…).
En finir avec la culture du présentéisme
« Cette loi de 2012 est intéressante, mais insuffisante, estime Françoise Descamps-Crosnier, auteure du rapport » sur les inégalités de rémunération et de parcours professionnels entre femmes et hommes dans la fonction publique publié en 2017. Il faut aller bien plus loin, notamment en abaissant le seuil d’application du dispositif pour les collectivités et les EPCI de 80.000 à 20.000 habitants, en mettant en place le fonds pour recueillir l’affectation du produit des pénalités et en travaillant sur les stocks et pas seulement sur les flux ».
Avouant être « philosophiquement » contre la méthode des quotas, l’ex-députée des Yvelines reconnaît aussi que « s’il n’y a pas de contrainte, l’intégration des femmes sur les postes dirigeants n’avance pas. » La dimension managériale est également primordiale pour parvenir à davantage d’équité. « Il faut en finir avec la culture du présentéisme et développer les chartes des temps, souligne-t-elle. De même, il faut agir sur la formation des managers et les sensibiliser davantage à la prise en compte de l’égalité femmes-hommes. »
Une vision différente chez les jeunes générations
Claude Soret-Virolle, présidente de l’ADT-Inet et DGA du CIG Grande Couronne de la région Ile-de-France, demeure attachée à la mixité des équipes de direction. « Les hommes et les femmes ont un mode de fonctionnement et une sensibilité différents, témoigne-t-elle. Cela se retrouve sur des sujets comme le télétravail, le mode de management ou encore l’organisation du temps de travail. » « Personnellement, j’étais très partagée sur le dispositif des quotas, ajoute-t-elle, mais je reconnais que c’est la moins mauvaise des solutions pour faire évoluer les mentalités. En outre, la vision différente du monde du travail portée par les jeunes générations,- qui privilégient une meilleure articulation vie privée-vie professionnelle et ne sont pas forcément sur des stratégies de pouvoir, va jouer en faveur de la mixité des points de vue. »
Marie-Francine François, directrice générale des services de Clermont-Ferrand, expérimente, pour sa part et depuis peu, une DG entièrement féminine. « C’est la première fois que je travaille avec une équipe monocolore, confie-t-elle. Cela se passe très bien même si parfois, comme nous sommes toutes les cinq sur le même registre, il manque un peu de confrontations d’idées, de contradictions. Mais, je reste persuadée que la loi a obligé un certain nombre de DG et d’exécutifs à se poser la question de la parité. »
Emmanuelle Quémard

