« L’entreprise cerveau » : Les dégâts du court terme

Outre qu’il s’agit d’un univers professionnel que j’ai pratiqué, je me demande si les mêmes symptômes ne se retrouvent pas aujourd’hui dans le monde public local, ou le court terme étouffe le long court, ou de nombreux cadres , « soumis à une pression constante ont naturellement tendance à préserver leur espace vital , dans un réflexe quasi animal de survie ». Je découvre en effet au cours des coachings que je réalise à quel point chacun se surprotège, contribuant ainsi à la disparition du dialogue et de toute forme d’intelligence collective.

Peut-être faudrait-il introduire d’autres critères d’évaluation de la performance, qui « intègrent mieux les éléments constitutifs de la valeur réelle d’une organisation : l’humain, la modernité, la capacité à innover, et les connexions ».

Un livre à lire, que vous soyez dans le public, ou le privé.

Hugues Perinel

Livre « L’entreprise cerveau » de Dominique Mockly.

Editions Débats Publics : 26/11/2015.

Dim. 14 x 21 cm. 191 pages.

Managers : fierté n’est pas vanité!

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Dans un murmure contrastant avec la liesse ambiante, l’esclave placé derrière le général romain victorieux était là pour rappeler au héros du jour que le temps fane jusqu’à devenir poussière les plus belles couronnes de laurier. Un sacré rappel à l’humilité – qui plus est assené par le serviteur assujetti. À voir certains managers, gonflés de leur importance, on en vient à regretter ces époques antiques. Trop d’entre eux, en effet, confondent visiblement vanité et fierté, au grand dam de leurs équipes.

La différence ? Elle a fort brillamment été cernée par le Comte Raczynski, homme d’État polonais : la première n’est que volonté de paraître, quand la seconde consiste tout bonnement à savoir ce que l’on vaut…

Une émotion universelle tout ce qu’il y a de plus bénéfique, et que le « vrai leader » aura justement à cœur de susciter aussi chez ses collaborateurs, en donnant du sens au travail et de la reconnaissance à celui qui l’accomplit. Car « si rien de grand ne s’est fait sans passion » comme le soutient Hegel, que pourrait-il se réaliser sans la fierté de se sentir utile et identifié pour son individualité, dans ce que l’on produit. Un peu comme si chaque jour, dans le fracas du quotidien, le manager chuchotait avec bienveillance, à l’oreille de son collaborateur, cette évidence trop fréquemment piétinée : « tu es un Homme, tu es un Homme… ».

Laurence Denès

 

 

On a aimé : « Petit éloge de l’incompétence »

L’auteur, aborde d’abord l’incompétence générée par notre société technoscientifique qui fait qu’un nombre croissant de nos décisions sont prises en « méconnaissance de cause ». Il présente ensuite de nouvelles compétences à définir pour mieux faire face à notre société globalisée.

Dans une période où la coopération et l’intelligence collective sont souvent proposées, le fait d’accepter son incompétence dans certains domaines, et la compétence de l’autre, serait une  belle première étape.

Hugues Perinel

Livre « Petit éloge de l’incompétence ». Editions Quae : 25/11/2013.

Dim. 12 x 19 cm. 136 pages.

 

«Innovation managériale : nous avons d’abord écouté»

Quelles sont les raisons de la création de l’association Esprit de Service France ?

L’économie et la société deviennent servicielle. Dans ce contexte, la relation devient le levier majeur de différenciation. C’est le petit plus dont on se rappelle et que l’on diffuse autour de soi et sur les réseaux sociaux. C’est ce qui fait expérience, souvenir, image, fidélisation. L’esprit de service constitue un modèle de management de la relation de service dans toutes ses dimensions – avec le client, entre managers et collaborateurs, entre services – fondé sur le respect, l’écoute des parties prenantes et la coconstruction. Toutes les entreprises et les organisations cherchent à s’adapter (hier), à se transformer (aujourd’hui). Car le temps s’accélère, les exigences des clients et des collaborateurs augmentent. Ce ne sont plus les gros qui mangent les petits, mais les rapides qui mangent les lents ! Il faut être réactif, tester, expérimenter, faire, personnaliser. Les outils numériques permettent tout cela, l’enjeu est humain. Comment rendre les équipes agiles, autonomes, dans le respect de la stratégie, des règles, de la règlementation. L’enjeu de notre association, créée fin 2014, est de pouvoir échanger sur ces questions, apprendre des expériences des autres, penser écosystème. C’est un enjeu pour chacun, mais aussi un enjeu collectif, puisqu’il nous faut travailler l’image de la France comme pays de service, de sourires, d’accueil. Nous allons recevoir des millions de visiteurs à l’occasion des grands évènements (Coupe du monde, JO 2024, etc.), sachons les recevoir !

En quoi la qualité de l’accueil peut-elle être prépondérante dans la perception de l’efficacité des services publics ?

C’est la première impression qui compte ! Se sent-on accueilli, écouté, respecté dans ses différences ? Plus personne ne veut être un numéro ! Le multi canal, la gestion de la data permettent cette simplification, cette personnalisation, cette conversation 24 h sur 24. Le challenge ? Que le client, l’usager, le citoyen ressentent la même attention de qualité quel que soit le canal, le moment, le support. Il faut savoir marier habilement automates et humain ! On parle de « phygital ». L’humain reste primordial pour le conseil, le soutien, la réassurance. Pour y arriver véritablement, il faut que le collaborateur se sente soutenu, formé, outillé. Chacun dans l’équipe est en effet un maillon de la chaine du service. Et le client percevra la qualité du maillon le plus faible ! Finies les vitres qui séparent, l’heure est au « aller vers » avec le sourire ! Le rôle du manager est donc essentiel pour que le client vive une expérience globale de qualité, à chacun des moments de vérité de la relation grâce à l’engagement des collaborateurs.

Quelle est la clé de ce changement de posture managériale ?

Le rôle du manager est de mettre ses équipes en situation de réussir. Etre en soutien. Quitter la posture top down, du contrôle et du reporting pour venir en soutien de l’équipe. Personne n’a envie de mal faire. L’organisation, le process, la routine place les agents dans des situations de dysfonctionnement « Ce n’est pas nous », « ce n’est pas possible », « on a toujours fait comme ça ». La transformation est systémique, il faut travailler les lieux, les relations, les process, la mesure. Cela prend forcement du temps. D’où la nécessité d’avoir le soutien du grand patron sur la durée. Il faut autant que possible chercher le gagnant-gagnant pour les clients, pour les collaborateurs. Trouver l’intérêt à agir : moins d’incivilités, une relation plus valorisante, plus de valeur ajoutée. Faire rentrer le client partout, garder ses lunettes de client même quand on arrive au bureau, s’appuyer sur le regard des pairs, accepter la critique, écouter l’autre. Et savoir que rien n’est jamais gagné…

Interview de Stéphane Menu

Les gabegies de l’Etat pointées du doigt dans les régions

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Le refrain est déjà connu : structures en doublon avec les Régions, sous-préfectures en manque d’effectifs, missions régaliennes de moins en moins bien remplies… Dans un rapport publié le 10 décembre 2017, la Cour des comptes pousse l’Etat à une plus grande efficacité dans ses services régionaux, autrement dénommés « services déconcentrés ». Elle l’invite à « renoncer à disperser ses moyens » pour se concentrer sur ses missions premières et régaliennes. Les esprits mal tournés ou bien informés jugent que ce rapport intervient pile poil à un moment sensible, celui du lancement par le gouvernement d’une réflexion sur la remise à plat de toutes les missions de l’Etat. Si l’objectif affiché est vertueux, celui de l’amélioration du service public envers les usagers, cette démarche entre en résonnance avec le programme électoral d’Emmanuel Macron : suppression de 120 000 fonctionnaires (dont 50 000 dans la fonction publique d’Etat), réduction de la dépense publique de 60 Md€ sur la durée du quinquennat (dont 25 Md€ pour l’Etat).

Pour ce faire, le gouvernement a mis en place un comité « Action publique 2022 » en lui donnant « carte blanche » pour formuler des propositions attendues en février 2018 et dont on peut imaginer qu’elles feront grand bruit. D’autant plus que les membres du dit comité sont un chef d’entreprise (le Pdg de Safran), des hauts fonctionnaires, des élus… mais pas un seul représentant syndical. Une omission dont on a du mal à croire qu’elle ne soit pas volontaire…

Stéphane Menu

Intériale claque la porte de la Mutualité Fonction Publique (MFP)

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La Mutualité Fonction Publique (MFP) vit des heures difficiles. La seconde vague de référencements en santé et prévoyance au sein des ministères de la fonction publique d’Etat n’a fait que renforcer les tensions avec Intériale, historiquement positionnée auprès du ministère de l’Intérieur. Cette dernière s’est ainsi rapprochée d’autres ministères, à travers divers partenariats (Axa pour l’Education nationale, la Mutuelle nationale des hospitaliers pour les Affaires sociales notamment). Une stratégie visant à « protéger l’ensemble des populations de notre champ affinitaire : gendarmes, agents pénitentiaires, etc. », expliquait récemment à l’Argus de l’assurance le président d’Intériale, Pascal Beaubat. Une démarche modérément appréciée par Serge Brichet, président de la MFP. Pour y obvier, il a mis en place un comité d’éthique visant explicitement à envisager l’exclusion d’Intériale. « Selon la charte qu’ils ont signée, les membres de la MFP ne doivent pas se porter préjudice », assurait le président de la MFP, toujours à nos confrères de l’Argus. Un casus belli pour Pascal Beaubat qui avait demandé le 9 octobre dernier la démission de Serge Brichet… et qui a finalement pris la décision lui-même, avec l’aval du conseil d’administration d’Intériale, de quitter la MFP face à ce qu’il qualifie de « stratégie mortifère » de la part de cette dernière.

Stéphane Menu

Action publique : donner toute sa place à l’usager

Action publique : donner toute sa place à l’usager L'étude conduite par le sociologue Jérôme Grolleau sur le sens de l'action publique ne sera publiée qu'au printemps. On sait déjà qu'elle préconise de replacer l'usager au cœur des politiques publiques. Etoile Mag - Actualités Auteur : Emmanuelle Quémard

« Action publique », cette expression utilisée de manière incantatoire par les uns et plus réaliste par les autres, semble être le mantra de l’année 2017. Lancé fin novembre par Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des comptes publics, le Forum de l’action publique, lui-même partie intégrante d' »Action publique 2022″, a l’ambition de donner la parole aux agents, mais aussi aux usagers via notamment une consultation en ligne. Si les fonctionnaires ont certainement une vision assez fine de l’action publique et de ce qu’il convient de faire quotidiennement  pour lui donner tout son sens, les usagers ont une opinion tout aussi respectable. Confronter les deux points de vue, sans arrière-pensée budgétaire…, paraît  intéressant.

Usager et fonctionnaire, même combat

La nouvelle étude confiée par l’Observatoire social territorial de la Mutuelle nationale  territoriale (MNT) au sociologue-consultant Jérôme Grolleau sur le sens de l’action publique participe de la même approche. La finalité du travail des fonctionnaires n’est-elle pas de servir les usagers des services publics ? Ces deux entités ne mènent-elles pas le même combat et ne doivent-elles pas davantage faire corps ? La réduction des moyens et les contraintes financières ne poussent-ils pas l’une et l’autre à se réinventer ?

Destinée à être publiée en avril 2018, cette étude a déjà donné lieu à une multitude d’entretiens entre juillet et novembre 2017 auprès d’une quarantaine de territoriaux de toutes catégories. La MNT et l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF) a permis à Jérôme Grolleau d’en dévoiler les grandes lignes lors des Entretiens territoriaux de Strasbourg les 6 et 7 décembre 2017.

Les territoriaux, agents du quotidien

« A la différence des agents de la fonction publique d’Etat, qui manient davantage des concepts d’abstraction et d’universalité, confie le sociologue, les territoriaux sont ancrés dans le réel, dans le quotidien des usagers et ils doivent s’adapter en permanence à des situations singulières. Au travers des réponses, je sens monter en flèche des valeurs instrumentales telles que réactivité, efficacité, adaptabilité, face à de grandes valeurs comme le bien-être de l’usager ».

A l’ère de « l’empowerment », -concept venu des Etats-Unis qui définit le pouvoir d’agir des individus et des groupes sur leurs conditions sociales, économiques et politiques-,  le sociologue questionne les agents sur le véritable rôle de l’usager.

« Tout le monde l’a dans la tête, l’usager, mais est-ce qu’il est à la table des réunions ? s’interroge-t-il. Entre directions des services et agents, il faut sortir des discussions sur les conditions de travail et réintroduire l’objet du travail lui-même, l’usager, souvent chasse gardée des élus. »

Dans ses 20 propositions aux candidats à la présidentielle 2017, l’AATF avait elle aussi milité pour « plus de transparence et de participation citoyenne », notamment par « des audits citoyens », rappelle Doriane Leborgne Huart, DGA en charge du pôle innovation et dialogues à la Métropole européenne de Lille et membre du bureau de AATF. Le sujet reste d’une brûlante actualité. Il appartient aux managers territoriaux de veiller à en faire le moteur de l’action publique conduite jour après jour par leurs équipes.

    Emmanuelle Quémard

Un rapport de l’IGA renforce les centres de gestion

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Dans un rapport récemment rendu public, commandé en novembre 2016 par le gouvernement Valls, des hauts fonctionnaires de l’Etat proposent des solutions pour faire des économies dans la gestion des ressources RH au sein des collectivités. Les treize préconisations dévoilées visent à renforcer les compétences des centres de gestion. Accélération de la coordination régionale et interrégionales des CDG, recours accru à la numérisation ou encore simplification des normes et des procédures de gestion des ressources humaines, etc., autant de pistes qui pourraient engendrer 250 M€ d’économie en année pleine, assurent les hauts fonctionnaires dans un rapport disponible en ligne. L’inspection générale de l’administration (IGA) et le contrôle général économique et financier (CGéfi), qui ont planché sur le thème, ciblent clairement les CDG comme les opérateurs de la gestion des ressources humaines dans les collectivités territoriales. Ils confortent ainsi leur rôle en élargissant des missions aujourd’hui exercées par très peu d’entre eux, comme l’expertise statutaire, la médecine préventive pour les agents territoriaux, l’assistance au recrutement ou encore l’intérim et le remplacement. « A taux de cotisation constant (au maximum 0,2 % de la masse salariale de la collectivité), cet élargissement du ‘socle commun’ constituerait une motivation accrue à adhérer aux CDG et amplifierait le mouvement pour parvenir progressivement à une couverture de l’ensemble des agents des territoires concernés », considère la mission.

Madame le ou madame la ?

Il est toujours révélateur lorsque l’on écrit quelques lignes sur la féminisation des noms de métiers de se voir, pour certains d’entre eux, rappeler à l’ordre par le « correcteur »  de son ordinateur… je vais dès demain  prendre l’application « correctrice ».

Ce débat animé n’est pourtant pas récent, comme le rappelle  l’ouvrage « Femme , j’écris ton nom » * : déjà en 1929, dans  son recueil au titre évocateur, « Querelles de langage », le grammairien André Thérive citait « la querelle des féminins, qui a fort agité l’opinion […] », et évoquait, entre autres, l’acceptabilité de doctoresse et de autoresse, la fortune de chefesse et typesse, la connotation ironique donnée à peintresse et la rareté de artisane. »

Aujourd’hui encore, si une femme dirige  une école, on dira naturellement Madame la directrice ; mais si elle gère une entreprise ou une collectivité locale on hésitera encore trop souvent entre Madame le directeur ou la directrice .

J’aime assez l’idée que Madame le Directeur ramène à la fonction, et Madame la Directrice à la personne… l’occasion de rappeler à certains managers territoriaux, souvent masculins, que  l’autorité n’est pas directement liée à la fonction !

Hugues Perinel

* Femme, j’écris ton nom… : guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions d’Annie BECQUER Bernard, CERQUIGLINI, Nicole CHOLEWKA. Editions La Documentation Française.

Les années 2010 dans la Fonction publique, une période de transition ?

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Cette époque est celle  des acronymes intrusifs (LOLF, RGPP, MAP), des anglicismes (« le new public management »), des mots en « ion » (rationalisation, mutualisation, évaluation). L’époque où certains pourront dire à l’heure de transmettre : « J’ai vu l’assaut par le Privé du Public, vieille citadelle pas si imprenable que ça, prise d’assaut par les troupes félonnes de la coalition de la Modernité et de la Performance réunies. J’y étais. »

Faut-il pour autant développer ce syndrome obsidional ? Faut-il s’effrayer ou se réjouir de ce temps troublé ? Que valent vraiment les forces en présence ? Le Privé semble invincible avec les trois pointes (dynamisme-productivité-rentabilité) de son trident, le Public est affaibli par des années de mauvaise image entretenue et de mauvais choix, sans compter les forces du SI avec ses fantassins en « el » (progiciels, systèmes décisionnels…) et sa cavalerie en « ique » (numérique, électronique…), déjà présents dans la place et qui s’imposent peu à peu sans pretium doloris apparent, avec leurs larges sourires des lendemains qui chantent et auxquels il est vain de s’opposer…

Et si le Public commençait déjà par croire en lui ?

Le Public et le Privé sont-ils comme deux gouttes d’huile et de vinaigre qui ne se mélangent pas ? N’y-a-t-il vraiment aucune voie vers un syncrétisme ? Certains ne voient qu’un champ de batailles, d’autres ferment les yeux ou sont déjà partis à l’infirmerie, beaucoup s’interrogent encore et pour tous, se fait entendre et se rapproche le fond sonore envahissant et inexorable des tambours de l’adaptabilité.

Résister ? Mais à quoi ? Faut-il vraiment se battre du haut des remparts ? Me vient alors un vieux proverbe portugais : « Quand vient la tempête, certains construisent des digues là où d’autres construisent des moulins. » Le souffle est déjà là, j’espère que je saurai être un bon meunier…

Jean-Jacques Roux – DGS de la ville de Marignane