« Sur les discriminations, la prise de conscience évolue très vite »

Interview : Invité des Rencontres de l’Action Publique, l’avocat Eric Landot, spécialiste de droit public, a fait le point sur l’état des discriminations (femme-homme, raciales, etc.) dans la fonction publique. A lire sur Etoile Mag Actualités.

Les collectivités sont-elles de plus en plus confrontées à des contentieux liés aux pratiques discriminatoires ?

Les sanctions en matière de pratiques discriminatoires peuvent être multiples : sanction disciplinaire contre un agent ; poursuites au pénal ; recours en annulation contre une mesure douteuse… Et pourtant, il est rare que de tels litiges surgissent. C’est souvent, indirectement, que les questions des discriminations apparaissent. Via un litige sur du harcèlement, au détour d’un litige sur des injures ou des diffamations, à l’occasion d’une demande indemnitaire faite au nom d’une « placardisation »…. Cela dit, si le nombre de ces contentieux décolle peu, la parole, elle, se libère.

Longtemps, les contentieux ont en ce domaine été bloqués par une difficulté majeure : il est très difficile de prouver une discrimination. Et inverser la charge de la preuve serait infernal car, dans ce cas, il est au moins aussi délicat de prouver une absence de discrimination. Les juridictions ont trouvé une parade : celui qui prétend être victime d’une discrimination, et il y en a de plus en plus de divers types, doit non pas prouver celle-ci, mais à tout le moins apporter des éléments permettant de présumer l’existence de celle-ci. A charge pour la défense alors de défendre, en avançant un début d’éléments.

Comment font-elles face aux contentieux ?

Si la collectivité est frontalement attaquée pour ses pratiques, la gestion fine du contentieux et, plus encore, du pré contentieux est déterminante, au regard de la pression médiatique qui peut en pareil cas se déchaîner… et ce bien plus vite que le temps qu’il faut pour les acteurs locaux de maîtriser leurs émotions face à de pareilles attaques infâmantes. Mais la plupart des litiges naissent entre un supérieur hiérarchique intermédiaire et un de ses subordonnés. Et des tensions protéiformes finissent par prendre la forme, fictive ou non, d’une discrimination. La collectivité a le réflexe alors de soutenir son « middle management » et c’est logique, mais ce peut être erroné et cela peut à terme se payer très cher juridiquement et médiatiquement. Voire entraîner des drames. D’où l’importance bien souvent de prendre des mesures provisoires (séparation) très vite ; d’accorder au besoin la protection fonctionnelle à chacun quitte à ce que ce soit provisoire ; de ne pas prendre fait et cause tout de suite – du genre, dans trois semaines on en saura plus -, même si un soutien de principe à la hiérarchie s’impose souvent (il est possible de gérer ces choses avec une neutralité de bon aloi).

A ce stade, une commission administrative (non disciplinaire à ce stade), avec au besoin des extérieurs (psychologues, etc.) peut être l’occasion d’enquêter, d’adapter le fonctionnement du service, de prévoir les actions futures… Et en cas de drame, la collectivité se verra reprocher à la fois de n’avoir rien fait et de ne pas s’être précipitée pour soutenir un agent contre un autre au pénal sans avoir pris le temps de réellement s’informer avec un peu de calme. Ensuite, la collectivité pourra agir dans son organisation définitive de service, son disciplinaire, parfois le pénal… au cas par cas.

Donc, les collectivités sont souvent en aval des conflits ?

Fort heureusement, de moins en moins. Les collectivités commencent aussi à aborder plus frontalement la question, via des démarches intéressantes, des labellisations (label diversité mais aussi label égalité), le traitement de plus en plus sérieux des rapports en ce domaine (obligatoires dès 20 000 habitants) ou des obligations de parité dans les équipes de direction (à compter de 80 000 habitants). Surtout, les collectivités font des efforts dans deux domaines : la formation en matière de discrimination mais aussi de parole apaisée ; la réflexion sur les besoins au stade des recrutements pour ne pas être enfermé dans des stéréotypes.

Prenons un exemple : les fonctionnaires de la police nationale de catégorie C représentent bien la diversité de notre pays en termes de diversité des origines. Or, ce n’est pas du tout le cas pour les polices municipales selon les statistiques : l’on croit sans s’en rendre compte qu’un policier municipal doit être homme, blanc et jeune. C’est erroné et en sus cela n’aide pas à l’acceptation des polices municipales dans nombre de quartiers. Donc c’est discriminant et c’est aussi une faute en termes de politique de prévention de la délinquance !

Considérez-vous que cette problématique va monter en puissance dans les prochaines années ?

Oui car les prises de conscience, l’acceptation de l’autre, évoluent très vite. Mais certains milieux professionnels, certains types d’élus, certains cadres d’emploi, sont encore réticents. Il y a donc sur ce sujet parfois une tension interne qui augmente. Au dirigeant public de mettre de l’information, du liant, de donner du sens, pour accompagner cette transition et éviter des ruptures internes…

Stéphane Menu

Comment rater vos débats, conférences ou tables rondes ?

Billet : Comment rater vos débats, conférences ou tables rondes ? A lire sur Etoile Mag Actualités. Tous ceux qui me proposent d’animer des débats et que je remercie devraient néanmoins lire ce texte il s’agit d’un post (qui sent bon le vécu !) de David Abiker DRH défroqué, journaliste à Europe1, chroniqueur à Paris Premiere, GQ, Management.
  1. Prévoyez 5 intervenants et plus pour être sûr de n’avoir aucun débat.
  2. Utilisez l’expression modérateur pour parler de l’animateur et assurez-vous qu’il modère tout ce qui doit l’être.
  3. Comptez plus de 5 mètres entre la première rangée de public et la scène (surélevée de un mètre minimum). Première rangée sur laquelle vous aurez placé des panneaux « réservé » pour qu’elle reste définitivement vide.
  4. Escamotez le temps de question promis au départ en en prenant 2 dont l’une sera à coup sûr un commentaire de quelqu’un qui aurait voulu en être (de la table ronde).
  5. Evitez un micro par personne, c’est trop simple.
  6. Dîtes « il reste peu de temps »​ chaque fois que vous posez une question.
  7. Ne précisez pas le pourquoi du comment du débat.
  8. Laissez les intervenants faire un exposé pour être certain qu’ils ne communiqueront pas ensemble.
  9. Laissez l’organisateur prendre le pouvoir avec le chronomètre.
  10. N’invitez que des hommes à prendre la parole (très facile).

Repris avec délectation par Hugues Perinel.

Numérique : Les enfants à cran devant l’écran ?

Brève : Numérique : Les enfants à cran devant l’écran ? Et si l’école numérique n’était pas une aussi bonne idée qu’on le dit ? La question mérite d’être posée… A lire sur Etoile Mag Actualités.

Lors de sa sortie, en 2015, le livre avait fait grand bruit (1). Depuis, les deux auteurs, Karine Mauvilly et Philippe Bihouix, n’en démordent pas : le numérique à l’école ne garantit pas la réussite scolaire à tout prix. « Nous ne voulons pas paraître comme de vieux grincheux que nous ne sommes pas, mais à l’évidence le tout-numérique relève de l’excès. Notre société vit une crise de l’attention en général. Notre attention est de plus en plus papillonnante et nos gamins ne peuvent apprendre dans un tel contexte », affirme P. Bihouix dans Acteurs de la vie scolaire. « Le défi est d’éduquer au numérique et non par le numérique, en évitant de tout ‘gamifier’ », poursuit-il. Certains professionnels de la petite enfance et autres pédopsychiatres font état de graves troubles « semblables à ceux du spectre autistique » devant l’exposition trop grande aux écrans. Comment ne pas comprendre l’étonnement de parents à qui l’on demande de protéger les enfants à la maison d’écrans trop intrusifs et dont les enfants passent leur journée d’école devant… l’écran ? A l’heure où les bienfaits du numérique relèvent de l’évidence dans la communauté scolaire, il est nécessaire de poser la question.

(1) Le désastre de l’école numérique (Seuil).

Stéphane Menu

« Vers une réorganisation territoriale à la carte ? »

Retours d’expériences : « Vers une réorganisation territoriale à la carte ? » Le renforcement du Grand Paris passe-t-il par une réorganisation de la métropole et une suppression des départements ?Tel était le thème d’une  « Journée de l’action publique » organisée en partenariat avec Etoile. L’objectif était, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires et suite à la dernière réforme territoriale, d’analyser les conséquences de réorganisations multiples et différentes selon les territoires, avec un prisme fort en faveur du modèle lyonnais. A lire sur Etoile Mag Actualités.

Tel était le thème d’une  « Journée de l’action publique » organisée en partenariat avec Etoile. L’objectif était, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires et suite à la dernière réforme territoriale, d’analyser les conséquences de réorganisations multiples et différentes selon les territoires, avec un prisme fort en faveur du modèle lyonnais.

A cette occasion, nous avons pu interviewer Fabien TASTET, DGS de Grand Paris Sud Est Avenir et président de l’AATF pour avoir en quelques phrases son retour d’expérience sur le point d’étape du projet de suppression des départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne) et de transformation de la métropole du Grand Paris. Quels avantages et quels inconvénients ?

Une interview de Fabien TASTET, DGS de Grand Paris Sud Est Avenir et président de l’AATF.

Entreprises solidaires : France Active s’implante en Paca

Entreprises solidaires : France Active s’implante en Paca. A lire sur Etoile Mag Actualités. Quand les entreprises participent à l’effort de cohésion sociale, les personnes sans emplois peuvent réaliser leur projet.

Pionnier de la finance solidaire, France Active accompagne et finance les personnes sans emploi créateurs d’entreprises et les entreprises portant les valeurs de l’économie sociale depuis près de 30 ans. L’année dernière, France Active a mobilisé 270 millions d’euros (dont 18 millions d’épargne solidaire) au service de 7 400 entreprises. En Provence-Alpes-Côte d’Azur depuis 15 ans, ESIA a décidé de rejoindre le réseau France Active pour devenir France Active Provence-Alpes-Côte d’Azur. ESIA finance chaque année près de 300 entreprises, en accompagne un millier et engage 10 M€ de financement sur le territoire, grâce à ses outils de prêt et de garantie bancaire. L’objectif du réseau est de fédérer les entreprises créatives qui mettent en œuvre des pratiques innovantes en faveur de l’emploi et du lien social en aidant les porteurs de projets.

Stéphane Menu

« L’apprentissage, un levier de gestion prévisionnelle de l’emploi »

Interview de Sonia Pavic : L’apprentissage, un levier de gestion prévisionnelle de l’emploi. A lire sur Etoile Mag Actualités. Au-delà du recrutement des apprentis, peu développés en France, l’apprentissage permet la valorisation des acquis via le tutorat pour les fonctionnaires envisageant un départ à la retraite.

Vous souhaitez développer le recours à l’apprentissage pour recruter dans votre collectivité. Pourquoi ?

La ville d’Aix en Provence a recours à l’apprentissage depuis plus de 15 ans et a régulièrement augmenté le nombre d’apprentis pour en accueillir une trentaine chaque année. Les métiers vont du CAP mécanicien, espaces verts, aide scolaire, à BAC Pro comptabilité, secrétariat, ou Licence ressources humaines et encore Master contrôle de gestion. Accueillir des apprentis permet de valoriser le maître d’apprentissage via le transfert de savoirs, le tutorat et la bonification indiciaire de 20 points majorés ; ce savoir-faire est reconnu pour le tuteur. L’apprenti a véritablement la possibilité d’acquérir une expérience professionnelle significative.

Nous considérons aussi que les apprentis constituent un vivier de recrutement. D’ailleurs, nous recrutons 35 % de nos apprentis à la fin de leur cursus. Par ailleurs, nous essayons de développer la gestion prévisionnelle des départs en créant un apprentissage dans un service où le tuteur aura la possibilité de partir à la retraite en ayant transmis ses savoirs. Nous envisageons de permettre à des préretraités de participer au recrutement des apprentis. Ainsi, dans le cadre d’une cessation progressive d’activité par exemple, étalée sur une durée de deux ans, le mécanisme pourrait devenir vertueux en obligeant l’agent à signer un contrat tripartite avec l’employeur et la caisse de retraite fixant une date de départ certaine de liquidation de la retraite contre le recrutement obligatoire d’un apprenti par l’employeur. Ces dispositifs de tuilage (apprentissage et tutorat) restent les démarches les plus utilisées par les collectivités dans le knowledge management pour faciliter le transfert des savoirs.

Quels sont les obstacles qui contraignent une telle démarche ?

Les obstacles sont les filières d’apprentissage peu connues des étudiants et des employeurs. Ces filières sont régulièrement modifiées et donc peu lisibles en terme de parcours étudiant. Certains métiers publics sont ignorés dans l’apprentissage : l’état civil, la gestion des titres sécurisés …

La constitution du contrat est fastidieuse et au moindre problème c’est le juge des prud’hommes qui est compétent car c’est un contrat de droit privé même pour les collectivités territoriales. En cas de problème, il est difficile de rompre la relation de travail dans des délais raisonnables.

Pourquoi l’apprentissage est-il si peu développé dans les collectivités et de façon plus générale dans les entreprises ?

Le dispositif nécessite de connaître les règles du code du travail pour des professionnels qui utilisent habituellement des textes du statut public. Il existe peu de communication autour de ces filières. Certaines formations sont chères également et constituent un frein au développement de l’apprentissage.

Stéphane Menu