ATSEM : Décret 1er Mars 2018 – « Nous souhaitons y voir plus clair »

Décret du 1er mars 2018 : les ATSEM restent encore dans le flou - « Nous souhaitons y voir clair sur nos missions ». Une double tutelle (Etat et communes), des perspectives d’évolution de carrière incertaines… Les Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) restent encore dans le flou (malgré la publication d’un récent décret) et se mobilisent. Témoignage de Virginie Jouanny, membre du collectif des Atsem de France. A lire sur Etoile Mag Actualités.

Un décret du 1er mars 2018 est censé clarifier la situation des Atsem (Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) et l’évolution de leur carrière. Partagez-vous ce sentiment ?

L’aspect « fourre-tout » du métier prédomine encore. Avant le décret, les Atsem pouvaient assister les enseignants dans les classes accueillant des enfants handicapés. Le flou demeure sur ce point, voire se renforce, la notion « d’enfants handicapés » étant remplacée par celle « d’enfant à besoins éducatifs particuliers » englobant un ensemble assez hétéroclite : élèves en grande difficulté d’apprentissage ou d’adaptation, malades, intellectuellement précoces ou présentant donc un handicap.

Assiste-t-on à une évolution législative abusive pour que les Atsem se substituent in fine aux Auxiliaires de vie scolaire (Avs) dont le nombre ne cesse de décroître ? Le manque de perspectives d’évolution était également un sujet de revendication régulier pour nous. Avec le nouveau décret, une brèche s’ouvre pour accéder à la catégorie B en intégrant le cadre d’emplois des animateurs territoriaux, après réussite à un concours interne spécial sur épreuves. Ce concours sera ouvert aux Atsem justifiant d’au moins quatre ans de services et 15 % des postes offerts par concours interne pourront leur être attribués. Cela signifie-t-il que nous allons devenir des animatrices ? Or, la plupart d’entre nous souhaitons rester Atsem ! Le combat n’est donc pas fini.

Le soutien des maires de France ne vous est pas acquis…

Les collectivités sont étranglées financièrement et ne veulent plus ou ne peuvent plus supporter un nouveau transfert de charges. C’est un métier de polyvalence à outrance, qui part un peu dans tous le sens et qu’il faut canaliser légalement. Avec le retour quasi-général de la semaine des 4 jours de classe par semaine et la fin des activités périscolaires, certains maires envisagent de réduire les effectifs. D’où des mobilisations, à Chambéry, Toulon, Lyon ou ailleurs. Nous constatons de plus en plus que les profs et les parents d’élèves nous soutiennent sur le terrain.

Où en est la charte des Atsem que doit signer l’Association des maires de France et le gouvernement ?

Suggérée par un rapport des inspections de l’Etat, une charte d’engagement pour une meilleure reconnaissance des compétences professionnelles des Atsem doit compléter les dispositions réglementaires du décret du 1er mars. Cette charte n’aura pas de valeur juridique. Elle est en cours de rédaction dans les ministères de l’Intérieur et de l’Education nationale, avec l’appui de l’Amf et le Cnfpt. L’objectif est de fixer les missions des Atsem, notamment durant les heures scolaires, afin d’atténuer les difficultés provoquées par l’existence d’une double hiérarchie, à savoir la collectivité et l’Education nationale. Pour l’heure, aucune date de publication de la charte n’est fixée.

Stéphane Menu

Décret n° 2018-152 du 1er mars 2018 portant diverses dispositions statutaires relatives aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles : 

https://www.weka.fr/base-juridique-weka/texte_LO_INTB1731389D.html

Transformation de l’action publique : les managers réclament de l’accompagnement !

Action publique 2022 - Transformation de l'action publique : les managers réclament de l'accompagnement ! A l'occasion du vaste mouvement de transformation de la fonction publique "Action Publique 2022" - amorcé par le gouvernement - les managers, notamment intermédiaires, ont exprimé un besoin accru d'accompagnement pour conduire le changement. A lire sur Etoile Mag Actualités.

Action publique 2022 : de nouveaux enjeux difficiles à appréhender pour les managers

Parmi les nombreux enseignements de la consultation des agents publics et des usagers, menée de novembre 2017 à mars 2018 lors du Forum de l’action publique, le besoin d’accompagnement des managers eux-mêmes s’est exprimé à de nombreuses reprises. Confrontés à un vent continu de réformes, et appelés à impulser le changement dans un cadre persistant de maîtrise de la masse salariale, les managers – notamment intermédiaires – se disent déboussolés. Au cœur du vaste mouvement de transformation de l’Action publique 2022 initié par le gouvernement d’Edouard Philippe, une réflexion s’est ainsi engagée sur les pratiques managériales au sein des trois fonctions publiques.

Lors d’une journée organisée par la DGAFP (Direction générale de l’administration et de la fonction publique) et l’EMRH (Ecole du management et des RH) le 17 mai 2018 à Bercy, l’évolution des pratiques managériales a fait l’objet d’échanges entre représentants des secteurs public et privé.
« Il faut redonner des marges de manœuvre aux cadres, notamment aux cadres intermédiaires et de terrain, a affirmé Thierry Le Goff, directeur général de l’administration et de la fonction publique. Au cœur du changement, ils doivent le porter et l’expliquer dans les services. Il est important de les rassurer, les sécuriser mais aussi les pousser à aller plus loin.  » Les plans managériaux lancés en 2015 ont, par exemple, permis de faire émerger de nouvelles pratiques managériales au sein des ministères.

Les managers doivent acquérir de nouvelles compétences

Dans un univers où la transformation numérique et l’intelligence artificielle sont désormais la règle et où tous les process afférents évoluent très vite, l’exercice de la fonction de manager est rendu plus difficile. « Qu’ils travaillent dans le public ou le privé, les managers doivent à la fois acquérir de nouvelles compétences telles que l’agilité numérique et le design thinking, mais également s’approprier de nouveaux espaces de travail et réinventer les collectifs de travail », a expliqué Emmanuelle Léon, professeure de gestion des RH à l’ESCP Europe et auteure avec Cécile Dejoux de l’ouvrage « Métamorphose des managers » (1).

Pour Aude Costa de Beauregard, responsable du département performance des services publics, transformation numérique et managériale à la DITP (Direction interministérielle de la transformation publique), « il faut revenir à l’écoute des managers pour rester calé sur leurs besoins. » « A travers les laboratoires d’innovation territoriale, plus de 750 acteurs de la transformation publique sont accompagnés, notamment avec du coaching ou du co-développement, a-t-elle expliqué. Dans le cadre des expériences menées par la mission innovation des ministères économiques et sociaux, Brigitte Minette-Tiberghien, responsable de la mission, a souligné pour sa part qu' »il faut accompagner personnellement les managers au moyen de formation à l’innovation, de sensibilisation au numérique, de coaching collaboratif et de benchmark mais aussi les managers avec leurs équipes au travers de résolution de sujets complexes et d’accélération de leurs projets de transformation « .

Emmanuelle Quémard

(1) Métamorphose des managers à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle, Emmanuelle Léon et Cécile Dejoux.

Comment (bien) se vendre pour booster sa carrière

conseils pour booster sa carrière et réussir un entretien d'embauche

C’est une question que tout le monde se pose ; comment faire pour valoriser ses compétences en interne ou assurer leur promotion en externe ? Doit-on entretenir un réseau et comment le faire ? Existe-t-il des recettes toutes faites ? De nombreux colloques sont organisés sur la thématique des ressources humaines, leur gestion interne et leurs prospectives externes. Ils réunissent des témoignages dont nous pouvons tous, les uns et les autres, nous inspirer. Mais beaucoup de participants restent sur leur faim.

Les limites des ressources humaines

Suite à un colloque, à l’heure du débrief, une personne s’approche de l’animateur : « C’est très gentil et parfaitement pertinent tout ce que vous dites mais je ressens toujours le même malaise : j’ai l’impression que ça ne me concerne pas… ». Pourtant, la personne en face de nous nous ressemble ; elle est faite de désirs, de craintes, d’échecs, d’espoirs à gérer, de désillusions à digérer, etc. Un être humain banal, en somme. Pendant le colloque, on a refait le monde sur la manière de libérer l’entreprise, de lever le frein aux relations hiérarchiques verticales, on a encouragé le lâcher prise. C’est le propre d’un colloque : on y croit, on défriche, on fait les beaux !

Le « lâcher prise » théorique

Mais l’exercice paraît en effet trop souvent éloigné. Hors-sol. Le lâcher prise reste sous la vigilance étroite de la théorie. Entre conseils pertinents et réalité quotidienne, il y a l’à-peu-près vertigineux d’un accomplissement toujours à venir. Il génère donc cet étrange sentiment d’artificialité du discours RH. Est-ce à croire que les ressources humaines parlent plus souvent d’une réalité rarement croisée par les « ceux-d’en-face » que le contraire ?

Se décider à être quelqu’un

En fait, il ne faut pas attendre des RH (ou plutôt de ceux qui les expertisent) de solutions miraculeuses. Juste entendre les bonnes pratiques et en récupérer quelques impulsions. Car, fondamentalement, l’être humain est singulier. Seul face à lui. Il se nourrit des autres mais se « décide » seul à y aller. Posez-vous d’abord la question : qui êtes-vous ? Que voulez-vous faire ? Ressembler à un tel ? Imitez-le ! Etre vous-même ? Créez-vous ! Aucun des deux ? Cherchez !

Le BABA du blablabla

Pour bâtir son réseau, son carnet d’adresse, il faut savoir ce que l’on renvoie de soi aux autres. Oui, bien sûr, il faut lifter le CV sans le surcharger, savoir doser le poids des certitudes et le désir d’apprendre toujours plus, faire la balance entre le plaisir du travail et le sérieux que ce dernier implique. Montrer que l’on sait mais que rien n’est jamais acquis, qu’il faut savoir se remettre en cause, se fixer de nouveaux challenges, et blablabla, et blablabla. Bref, il ne faut jamais donner le sentiment de vouloir progresser les mains dans les poches.

Bouger dans sa tête avant de bouger dans l’organigramme

Mais il faut surtout savoir à qui l’on a affaire, bien étudier en amont le cadre du recrutement, le territoire d’implantation, ses référents socio-culturels, par exemple. On ne débarque pas à Marseille comme on le ferait à Nantes… Bien connaître les attentes de votre hiérarchie est capital mais ces dernières doivent correspondre à ce que vous êtes. Sinon, il faut être capable de gérer avec élégance une déception anticipée et ne pas entrer dans un processus de rumination intérieure qui fragiliserait votre progression de carrière : il faut bouger dans sa tête avant de bouger éventuellement dans l’organigramme ! C’est vous qui décidez ou non de subir votre vie professionnelle telle qu’elle se déroule. Pour parodier une célèbre pub, 100 % de ceux qui ont réussi… ont osé ! Parfois, ils regrettent leur audace. Ils ne devraient pas car l’échec de celui qui ose est toujours temporaire. C’est parce qu’il se fixe des objectifs élevés que l’audacieux fait parfois des chutes un peu rudes !

Authentiquement soi

Vous connaître vous permettra aussi d’oser… ne pas oser ! Il faut créer son petit sillon, le plus intimiste, l’ensemencer, celui qui vous ressemble le plus, qui colle le plus à ce que vous êtes, un dilettante assumé, un travailleur acharné, un suiveur, un curieux, etc. Qui dira que telle ou telle caractéristique mérite plus la Légion d’honneur qu’une autre ? Personne… Pourquoi ? Parce que seule l’authenticité se vend bien, parbleu !

Stéphane Menu

 

Vade mecum du parfait entretien d’embauche

  Pour les plus méthodiques, quelques règles de base à relire comme une antisèche avant l’entretien d’embauche :

  • Bien connaître son parcours. Ça a l’air ballot de l’extérieur de ne plus savoir quand on a commencé sa carrière dans telle collectivité. Ça donne le sentiment d’un souvenir peu ragaillardissant…
  • Le dressing code… Sans sortir le costume un brin froissé parce qu’on sent bien que ce n’est pas votre truc, faites en sorte d’avoir une allure soignée.
  • Bien travailler les arguments qui vous poussent vers ce poste. Certes, nous travaillons souvent pour des raisons alimentaires. Mais mettre un brin de gaieté et d’enthousiasme dans le boulot n’est jamais improductif…
  • Attention aux propos qui sonnent creux, du genre « j’ai toujours voulu travailler dans la fonction publique » alors que vous abordez la rive de la quarantaine en ayant travaillé uniquement dans le privé.

Vers des communes sans DGS ?

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Depuis l’arrivée de nouveaux élus au dernier scrutin municipal, il était coutumier d’entendre tel ou tel DGS s’inquiéter de ces maires de plus en plus présents sur leur territoire.

La loi anticumul, les dernières élections législatives et sénatoriales, ont fait à nouveau monter en flèche le nombre de ces maires ou présidents à temps plein. Au cours d’une récente rencontre avec divers élus de tout bord, j’ai découvert que certains DGS allaient avoir à faire face à une difficulté d’un tout autre ordre… Plusieurs de ces édiles envisagent en effet une solution plus définitive : ne plus avoir de DGS et diriger leur collectivité dans une posture qui ressemble étrangement à celle d’un Président Directeur Général !

Une tendance à surveiller

Quelques jours plus tard, je lis dans la Gazette des communes * que « les ex-collaborateurs de cabinet en collectivités et anciens DGS représentent 25 % des maires de villes de plus de 30 000 habitants. Un taux qui atteint près de 50 % parmi les nouveaux premiers magistrats de cette strate ». Coïncidence ou corrélation ? Une chose est certaine, si cette tendance s’accentue lors des prochaines municipales, la question de la gouvernance de nos collectivités se posera d’une façon inédite.

Hugues Perinel

*Parution du 20/09/2017.

« Comment anticiper les RH dans une entreprise privée à l’histoire publique » ?

interview Florence Boughanem Etoile Mag

A Orange, vous êtes vous-même toujours liée à un statut de fonctionnaire dans une entreprise dont le statut est privé. Comment cohabitent les deux typologies d’emploi au sein de l’entreprise ?

Effectivement, je suis fonctionnaire depuis mon entrée à France Telecom en 1992, après avoir passé un concours externe. 25 ans après mon intégration dans le groupe, qui s’appelle désormais Orange, je gère un portefeuille de salariés aux nombreux statuts. Du fait de notre histoire, de notre culture et des nombreux changements que nous avons dû conduire, nous avons recruté des salariés aux parcours variés. Fonctionnaires, détachés, CDI, CDD, alternants, … cohabitent très bien et font la richesse de nos équipes. Il faut vraiment avoir l’œil d’une responsable RH pour distinguer chez nous fonctionnaires et salariés contractuels de droit privé. Nos accords d’entreprise visent l’équité de traitement entre statuts. Que ce soit sur le temps, l’organisation et les modes de travail, la rétribution, la reconnaissance des compétences et des qualifications, nos accords ne font pas de distinction de fond entre les fonctionnaires et les contractuels. Seul le « contrat » de départ et certaines règles de gestion individuelle (congés maladie, retraites, …) diffèrent.

Comment initier une réorganisation de travail, dans un secteur comme le vôtre où l’adaptation au changement est une nécessité pour survivre face à la concurrence ?

En effet, le changement est notre quotidien dans un secteur d’activité porteur, qui se livre à une guerre des prix permanente et rivalise d’offres commerciales, confronté à une régulation du marché très prégnante et des innovations technologiques et digitales permanentes. Notre ligne managériale privilégie la gestion stratégique de l’emploi et de nos compétences. Anticiper les recrutements pour permettre le transfert de l’expertise, en misant sur nos salariés confirmés sur le départ (temps partiel sénior ou retraite) vers nos nouvelles recrues plus jeunes, plus digitales. Nous misons aussi sur l’organisation apprenante qui, au-delà des formations initiales, met l’accent en permanence sur le tutorat, le partage de pratiques en ateliers, le mentoring (Ndlr, relation interpersonnelle de soutien) et le reverse mentoring, l’entraide au sein des équipes, etc. Autre point : nous ajustons en permanence les ressources en fonction de l’activité et de la charge de travail. Enfin, on parle beaucoup de télétravail : 17 % des salariés au sein de mon unité y ont recours, sans compter le télétravail occasionnel, très répandu.

Après le terrible épisode des suicides à France Télécom entre 2008 et 2009, comment l’entreprise a-t-elle repris la main ? Et pourquoi cette anticipation du risque n’avait-elle pas été possible avant ?

Le nouveau PDG Stéphane Richard a su redonner confiance à ses cadres dirigeants, ses managers de proximité, ses salariés. D’abord à travers ce que nous avons appelé les Assises de la refondation puis la démarche Conquêtes 2015. Enfin, Essentiels 2020 a permis de décliner des projets d’unité et d’équipe au plus près du terrain. Au final, nos salariés se sont approprié la stratégie de l’entreprise, comme l’indique notre baromètre social. En 2010, Orange a signé un nouveau contrat social en prenant des engagements forts : pas de plan social, plans de recrutements externes et alternants, mobilité sur volontariat, renforcement des RH de proximité, accompagnement des managers, etc. En 2016, Orange s’est engagée à être un employeur digital et humain en retenant trois axes : garantir les compétences de demain, développer l’agilité collective, favoriser l’engagement des salariés. Les managers ont été mieux impliqués à travers un accompagnement renforcé : Orange Campus, certifications, coaching, co-développement, mentoring. Enfin, des dispositifs ont été mis en place pour mieux remonter les préoccupations des salariés dans le cadre d’un management beaucoup plus participatif s’inspirant des fondements de l’entreprise libérée.

Propos recueillis par Stéphane Menu

 

Emplois fonctionnels : des compétences sur le carreau lors des alternances politiques

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La « fin de détachement sur emploi fonctionnel », une tendance en hausse…

Perte de confiance… L’expression est souvent lâchée abruptement par le nouvel exécutif local à la suite d’une alternance politique. Et elle peut faire mal au cadre territorial insuffisamment préparé. Les territoriaux occupant des emplois de direction, à l’articulation entre le politique et l’administration, savent pourtant qu’ils sont assis sur un siège éjectable. La loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale définit précisément les contours de ces emplois fonctionnels liés à la taille des différentes strates de collectivités. La précarité de ce type d’emploi, que l’on soit DGS, DGA, DGST ou directeur d’établissement public, est pour cette raison assortie de garanties statutaires lors de la fin de fonctions.

S’il est difficile d’avoir un chiffre exhaustif des DG qui se retrouvent momentanément sans poste, se dessinent toutefois des tendances inquiétantes aux yeux des associations professionnelles de territoriaux. En effet, au gré des mouvements de balancier politiques et des multiples réformes territoriales, le recours à la « fin de détachement sur emploi fonctionnel » s’est intensifié depuis 2014.

« Ce phénomène a pris davantage d’ampleur depuis 2008 et s’est encore accru aux dernières élections, remarque Hélène Guillet, secrétaire nationale adjointe du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT) et DGS de Vertou (44). Toutes les strates de collectivités, y compris les plus petites, sont concernées. Et les ruptures ne se passent pas toujours très bien. En dehors de certains cas liés aux individualités, les nouveaux exécutifs ont, en effet, une nouvelle manière d’aborder l’emploi fonctionnel. La brièveté des contrats ne les effraie pas. »

Anticipation et mobilité

Selon les premiers résultats et analyses d’un questionnaire présenté  par le réseau médiation du SNDGCT en juin 2017, 51 cas individuels ont été signalés sur 6 mois, majoritairement en communes (34) et communautés de communes (9). Parmi eux, sont recensés 40 DGS (27 femmes, 13 hommes) et 11 DGA (6 femmes, 5 hommes). En outre, 25 de ces situations concernent des fins de détachements sur emploi fonctionnel, dont quatre suite à une fusion. Les deux strates les plus impactées sont les communes de moins de 5000 habitants et celles de 40 à 80 000 habitants.

Si les fonctionnaires concernés, le plus souvent de catégories A et A+, ne veulent pas se retrouver confrontés du jour au lendemain à des situations personnelles et professionnelles difficiles, l’anticipation devient alors nécessaire. Des portes de sortie sont certes prévues par les textes (reclassement, mise en surnombre, congé spécial…) mais la gestion de sa propre carrière peut être une solution plus valorisante pour les cadres supérieurs de la territoriale.

« Nous devons veiller au respect des conditions juridiques et à une sortie par le haut lors des fins de détachement, affirme Hélène Guillet. Mais, les DGS et DGA, quelle que soit la taille de leur collectivité, doivent mieux intégrer la dimension mobilité et continuer à faire vivre leur réseau professionnel tout au long de leur carrière. Ils doivent également être à l’écoute des signaux faibles à l’intérieur de leur structure. »

Il n’en demeure pas moins que le régime de la fin de fonctions comporte un effet pervers. Il institutionnalise un véritable gâchis des compétences et de la matière grise.

Emmanuelle Quémard

Managers des collectivités territoriales : le grand écart !

Managers des collectivités territoriales : le grand écart !

Le casse-tête de la nouvelle organisation territoriale

Répondre aux injonctions, parfois paradoxales, du pouvoir politique. Mettre en musique compétences et missions de service public. Etre sans cesse à la pointe des réformes institutionnelles et au cœur de l’action territoriale. Veiller en permanence au bien-être au travail des agents… Le quotidien des cadres dirigeants des collectivités n’est pas de tout repos !

Qu’ils soient DGS, DGA, DRH ou DST, les femmes et les hommes exerçant les plus hautes responsabilités au sein de l’administration des territoires vivent fréquemment des heures exaltantes mais aussi des moments difficiles au sein de la même journée . Et la montée en charge de la réforme territoriale ne fait qu’accentuer cette situation schizophrénique par bien des aspects.

La loi Notre du 7 août 2015 « portant une nouvelle organisation territoriale de la République » et la loi Maptam du 27 janvier 2014 « de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles » ont d’abord complexifié la tâche des managers territoriaux. Ces textes avaient pourtant l’objectif de rendre plus digeste le millefeuille territorial. Le jeu des transferts de compétences, les mouvements de personnels qui en découlent, les fusions, les mutualisations de services apparaissent comme autant de casse-tête pour celles et ceux qui sont chargés de les organiser sur le terrain.

Baisse des dotations de l’État

Avec pour unique horizon l’incontournable gestion de la masse salariale, les dirigeants territoriaux éprouvent parfois les pires difficultés à préserver le sens de leur action et les valeurs qui la sous-tendent.

En outre, quatre années de baisse consécutive des dotations de l’Etat (2014-2017) rendent très étroites les marges de manœuvre en matière d’emploi et de gestion des personnels. Selon le 3e baromètre «HoRHizons 2017»* réalisé auprès de 805 collectivités, 73% d’entre elles (+ 8 points par rapport à 2016) ont été impactées par la réorganisation territoriale. Avec des répercussions notamment sur les effectifs, la mutualisation, les conditions de travail, le régime indemnitaire, le dialogue social et la formation.

Le paradoxe étant que les nouvelles missions découlant de la réforme territoriale ont souvent conduit les employeurs locaux à recruter des agents supplémentaires.

Les problématiques nouvelles auxquelles doivent faire face aujourd’hui les collectivités alourdissent fortement l’une des dimensions les plus importantes de leur action. En effet, les contractions des budgets pèsent de plus en plus sur les investissements dont les territoires ont pourtant besoin pour se développer. Rappelons qu’entre 2013 et 2016, les collectivités ont porté les deux tiers de la réduction du déficit public, et qu’en 2016, leurs dépenses totales ont été inférieures de 12 milliards d’euros à la trajectoire prévue !

Un effort irréfutable loin de la gabegie dont sont accusées ces mêmes collectivités !

Emmanuelle Quémard

*Réalisé par l’Institut CSA pour l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et Régions de France, en collaboration avec la Fédération nationale des centres de gestion  et le Centre national de la fonction publique.