« Réfléchir sans totems ni tabous ». C’est ce qu’a rappelé Edouard Philippe le 1er février 2018 lors du premier comité interministériel de la transformation publique (CITP), dans le sillage du programme Action publique 2022 lancé en novembre 2017. Une manière subliminale pour le Premier ministre d’indiquer que le gouvernement s’attendait à provoquer une levée de boucliers chez les agents publics au moment où l’Etat se dit prêt à renverser les Tables de la loi régissant l’administration depuis des lustres. Sans surprise, plusieurs syndicats de fonctionnaires ont d’ailleurs aussitôt foncé dans le chiffon rouge agité par Matignon. La journée d’action prévue le 22 mars prochain contre les premières annonces gouvernementales sera-t-elle à la hauteur des bouleversements annoncés ? On verra bien…
Remise en cause du statut
Toujours est-il qu’un récent sondage OpinionWay-Comdata Group publié le 12 février 2018 par « Les Echos » et relayé par « Radio Classique » montre clairement que les Français ne semblent pas hostiles aux premiers chantiers impulsés par le gouvernement dans la foulée du programme présidentiel d’Emmanuel Macron. L’enquête prouve également que les fonctionnaires eux mêmes ne voient pas d’un mauvais œil la réforme de la fonction publique. Dans le détail, ce sont les mesures les plus emblématiques présentées par Edouard Philippe qui apparaissent comme les plus consensuelles. La mise en place d’un plan de départs volontaires pour les agents publics est approuvée par 76 % des personnes interrogées tandis que la rémunération au mérite est appréciée par 67 % des Français. Même avec un léger décalage, les personnels des trois versants de la fonction publique ne disent pas autre chose : 72 % et 59 % d’entre eux se déclarent respectivement favorables à chacune des deux mesures phares du plan présenté lors du CITP. Et lorsque les sondeurs d’OpinionWay questionnent leur échantillon sur la remise en cause du statut de la fonction publique, une majorité du panel (57%) se dit favorable à cette idée alors que 41% des répondants s’y déclarent opposés.
La territoriale en ligne de mire
Faut-il pour autant déduire de cet étonnant sondage que les Français sont désormais prêts à passer par pertes et profits l’action publique telle que nous la connaissons depuis la Libération ? Pas sûr dans la mesure où les répondants réaffirment leur attachement à un service public qualifié et efficace. Seulement 48% des personnes interrogées voudraient, en effet, voir réduit le nombre de fonctionnaires. Une majorité se dit donc opposée aux diminutions d’effectifs, même si la fonction publique territoriale apparaît comme le pan de l’administration où les suppressions de postes pourraient être prioritairement envisagées.
S’il ne faut pas donner à une photographie de l’opinion publique plus de valeur qu’elle n’en a, le sondage publié par les Echos paraît montrer que l’idée de baisser le niveau de la dépense publique est désormais bien acceptée par les Français. Comme semble l’être également celle de l’alignement du public sur le privé. A l’évidence, cette nouvelle donne place le gouvernement dans une situation favorable pour mener ses réformes à leur terme. Mais il ferait sans doute une erreur en perdant de vue que les fonctionnaires ont déjà fait beaucoup donné par le passé. A travers notamment le gel du point d’indice et le non remplacement des départs à la retraite, ils ont déjà accompli une grande partie du chemin sur lequel l’Etat veut aujourd’hui les entraîner…
Emmanuelle Quémard

