Remis au Premier ministre Manuel Valls en juillet 2016, le rapport de Yannick L’Horty sur les discriminations dans l’accès à l’emploi public avait jeté un pavé dans la mare… Le Professeur d’économie à l’Université Paris-Est -Marne-La-Vallée y démontrait que les employeurs publics ne sont pas plus exemplaires que ceux du secteur privé en matière de discrimination à l’embauche. En effet, cette étude inédite basée sur l’exploitation de données recueillies lors des concours d’entrée dans la fonction publique d’Etat et sur la mise en œuvre de « tests de discrimination », laissait apparaître des pratiques discriminatoires lors des recrutements dans les trois versants de la fonction publique selon l’origine du candidat et son lieu de résidence.
« Ce rapport est un outil de politique publique », a souligné Yannick L’Horty, lors des Rencontres de l’action publique organisées le 1er février à Paris en partenariat avec le réseau Etoile. De même que le rapport du conseiller d’Etat Olivier Rousselle intitulé « Les écoles de service public et la diversité » et rendu en février 2017. « Un grand nombre de nos recommandations ont été reprises dans la loi égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017 », a indiqué le chercheur, reconnaissant dans le même temps les limites des statistiques et des tests de discriminations.
Influence de la conjoncture économique
S’appuyant sur un grand nombre de travaux scientifiques concernant les ressorts des comportements discriminatoires, Yannick L’Horty affirme que bien souvent, les discriminateurs n’ont pas conscience de discriminer. « Les discriminateurs sont avant tout victimes de leurs stéréotypes, c’est-à-dire de raccourcis cognitifs associant les caractéristiques des candidats à des aptitudes, qui peuvent les conduire à des erreurs de jugement. »
En outre, le contexte économique a une influence sur le comportement des recruteurs : si le nombre de postes proposé est faible, la sélectivité sera d’autant plus grande et par conséquent le traitement des candidats discriminatoire.
Promouvoir la diversité
Par ailleurs, si Yannick L’Horty se dit sceptique sur l’efficacité des labels diversité, Philippe Nasciet, président du cabinet de recrutement Light Consultants, considère au contraire « qu’il est important et fait progresser les habitudes ». « Les organismes labellisés ont un comportement meilleur », certifie-t-il s’appuyant sur la propre expérience de son cabinet.
Pour Saïd Hammouche, président fondateur de Mozaïk RH, cabinet de recrutement spécialisé dans la promotion de la diversité « les recruteurs méconnaissent les populations des quartiers populaires ». « Les jeunes de ces quartiers pratiquent aussi une forme d’autocensure, déplore-t-il. Il y a pourtant urgence à faire la promotion de ces talents. » Reconnaissant une vraie diversité des profils chez les agents de catégorie C, Saïd Hammouche estime qu’il y a des progrès à faire notamment sur les postes de direction et de haute fonction publique. « Il est nécessaire d’avoir des ambassadeurs sur des postes à responsabilité pour donner envie aux autres, indique-t-il. La diversification des profils doit se baser sur les compétences. A mes yeux, la politique des quotas est un danger. »
Emmanuelle Quémard

