Apprentissage : l’Etat refait son retard, la Territoriale reste en tête…

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C’est en 1992 que le dispositif de l’apprentissage a été mis en place à titre expérimental dans la fonction publique ; il a ensuite été pérennisé en 1997. Les premiers pas de l’apprentissage dans la sphère publique ont été plutôt timides. Pendant plus de quinze ans, les jeunes de 16 à 25 ans, qui souhaitaient acquérir des compétences professionnelles par l’exercice d’un métier tout en percevant une rémunération, étaient essentiellement accueillis au sein des collectivités territoriales.

Les services de l’Etat et les hôpitaux publics semblaient bouder ce type de formation « in situ » permettant à l’apprenti de voir son parcours initiatique sanctionné par un diplôme au terme de son contrat. Une frilosité d’autant plus dommageable qu’elle privait un grand nombre d’employeurs publics de la possibilité de mieux faire connaître les métiers d’intérêt général et de valoriser les compétences des agents impliqués dans le dispositif de l’apprentissage.

 

Protocole d’accompagnement financier de l’apprentissage

 

En 2014, le gouvernement en place décidait de renverser la vapeur en prenant une série de mesures destinées à booster l’apprentissage dans les administrations de l’Etat. L’objectif de recruter 10 000 apprentis en 2017 était fixé à l’ensemble des ministères et de leurs opérateurs. Pour leur permettre de tenir cet engagement, le gouvernement mettait en place un protocole d’accompagnement financier. Effectivement, il était basé sur la prise en charge partielle des coûts de rémunération et de formation des apprentis. Il acceptait, par ailleurs, que les contrats d’apprentissage soient établis hors schéma d’emplois ; ainsi, ils n’obéreraient pas les marges de recrutement des employeurs publics.

Cette mobilisation de l’Etat en faveur de l’apprentissage a-t-elle porté ses fruits ? L’analyse des statistiques publiée récemment dans le rapport annuel 2018 sur l’état de la fonction publique permet de répondre affirmativement à cette question. En 2017, la Bourse interministérielle de l’emploi public (BIEP) a publié 2 197 offres d’apprentissage, 1,4 million de consultations ont été recensées et plus de 8000 CV ont été déposés.

 

La fonction publique hospitalière à la traîne

 

Dans le détail, le nombre de contrats d’apprentissage signés au sein de l’État a augmenté de 1400 % depuis 2014 ! Pour l’année scolaire 2017‑2018, ce sont 9481 apprentis qui ont été admis dans les services et les opérateurs de l’Etat ; alors que, sur cette même période, le nombre de contrats signés dans le secteur privé est resté relativement stable. Les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur sont les recruteurs les plus importants d’apprentis. En effet, ils accueillent 53 % des apprentis de la fonction publique de l’État. Suivent les ministères des Armées (14 %) et de l’Intérieur (12 %).

On notera enfin que la fonction publique territoriale continue à faire la course en tête en matière d’apprentissage. En 2016, 53 % des nouveaux apprentis accueillis dans le secteur public l’étaient dans les collectivités contre 43 % dans la fonction publique de l’État et 4 % dans la fonction publique hospitalière.

 

Emmanuelle Quémard

Idée de l’ANDRHDT : une formation continue pour répondre aux besoins de demain

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« De l’emploi à vie à l’employabilité à vie » : c’était le thème de l’un des ateliers du dernier congrès de l’ANDRHDT, en octobre 2018. Une nuance de quelques syllabes, qui traduit pourtant un vrai changement de paradigme. Aurélia de Portzamparc, DRH, résume le point de vue des DRH présents : « [il faut] arrêter de se dire qu’un agent va faire toute sa carrière sur le même poste, dans la même collectivité. Notre responsabilité d’employeur et de DRH, c’est d’assurer que nos agents puissent faire carrière de façon large, s’adapter à l’environnement, à l’évolution des métiers, des collectivités… » Et pour passer d’employé à employable, un outil essentiel : la formation continue.

Réinventer la formation continue

Les mots utilisés par les DRH pendant l’atelier sont clairs : la formation continue est parfois considérée comme « scolaire », « théorique, pas assez pratique »… Et surtout, « souvent dispensée de manière ponctuelle, sans s’inscrire dans un parcours » ; et donc sans lien avec une gestion globale des compétences, tournée vers le futur des agents comme de la collectivité.

En premier lieu, les DRH souhaitent donc former sur des compétences transférables. L’idée étant qu’elles résistent aux transformations technologiques : savoir-être, capacité à travailler en équipe, intelligence collective… Pour garantir l’employabilité des agents, Aurélia de Portzamparc souligne la nécessité de proposer des formations diplômantes. Ainsi,  l’agent pourrait les valoriser ailleurs. De nouvelles formes d’acquisition sont aussi imaginées ; du tutorat, de l’immersion dans d’autres métiers ou collectivités, des formations de 10 minutes par jour…

S’allier pour élargir « l’espace métier »

Pour mettre en œuvre ses idées, l’ANDRHDT parle surtout d’alliances : projet de MEDEF local, de passerelles entre collectivités voire avec le privé… Pour Aurélia de Portzamparc, l’important est de penser au-delà de la collectivité : « il faut élargir l’espace métier ».

 

Julie Desbiolles

Qui sont les contractuels et quels secteurs les recrutent ?

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Les données 2016 publiées par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) dans son rapport annuel 2018 permettent de dessiner un portrait-robot assez précis de ces agents œuvrant pour l’intérêt général au sein des services de l’Etat, des hôpitaux publics et des collectivités territoriales.

Première confirmation : la part des contractuels s’accroît année après année dans la fonction publique (+0,3 point par an en moyenne depuis 10 ans). Fin 2016, on comptait 967 000 agents sous contrat dans les trois versants (+2,8 %), alors que la proportion des fonctionnaires était en léger recul (-0,1%). C’est surtout au sein de la FPE (+4,8%) et de la FPH (+3,6%) que ce phénomène est le plus sensible, la progression étant plus limitée dans la FPT (+0,2%)

 

Bond dans l’Education nationale

 

En ce qui concerne la FPE, le recours aux contractuels semble particulièrement prisé par deux grands ministères régaliens. Celui de l’Éducation nationale a vu bondir le nombre d’agents sous contrat (+13 300 en un an), notamment en raison du recrutement de 3300 professeurs contractuels supplémentaires et l’embauche d’environ 11 000 assistants d’éducation et accompagnants d’élèves en situation de handicap de plus qu’en 2015. Le ministère de la Justice est également un important employeur de contractuels au sein de la FPE (+4 800 contrats signés entre 2015 et 2016).

Dans la FPH, le poids des contractuels augmente de 0,6 à 18,2 % en 2016. Ils sont 7 400 de plus qu’en 2015. À l’hôpital, leur hausse (+ 5 300) fait plus que compenser la baisse du nombre de fonctionnaires. On observe également une progression des contrats dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées (+1 400) et dans les autres établissements médico‑sociaux (+600). En revanche, la hausse du nombre des contractuels est plus mesurée (+0,2%) dans la territoriale.

 

Surreprésentation des contractuelles dans la territoriale

 

Autre statistique inédite : dans la fonction publique, 54 % des contractuels sont engagés sur la base d’un contrat à durée déterminée contre 46% qui bénéficient d’un CDI. On notera qu’une très large majorité des contractuels en CDD disposent d’un contrat de courte durée : 70 % ont un contrat d’une durée inférieure à un an et seuls 9 % ont un contrat de plus de trois ans. Par versant, c’est la FPT qui emploie le plus de CDD (65,4% des contractuels) devant la FPH (52,6%) et la FPE (45%).

On observe également que les femmes sont particulièrement nombreuses parmi les contractuels. A l’échelle de l’ensemble de la fonction publique, elles représentent 67 % des personnels sous contrat (contre 64,3 % des fonctionnaires). Cette surreprésentation est particulièrement élevée dans la FPT (67,5 % de femmes parmi les contractuels contre 59 % parmi les fonctionnaires). A l’inverse, dans la FPH, on recense un peu moins de femmes parmi les contractuels (78,3 %) que parmi les fonctionnaires (81,1 %). Parmi les agents des autres catégories et statuts, la part des femmes est très importante dans la FPT (84,5 %) car on y compte 81 % d’assistants maternels et familiaux, des métiers féminisés à près de 94 %. Dans la FPH, la proportion de femmes parmi les agents des autres catégories et statuts est plus faible (53,2 %).

 

Emmanuelle Quémard

« Comment la décentralisation s’est « usée » » – Interview de Christian Olivérès

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Vous avez récemment écrit un article pour la revue Hérodote où vous mettez en évidence l’usure de la décentralisation. Comment en est-on arrivé à une telle dégradation ?

 

Le concept de la décentralisation a apporté et apporte encore beaucoup d’espoir. La déclaration du Général de Gaulle sur la fin de « l’effort multiséculaire de centralisation » a bien marqué le début d’une nouvelle approche des réalités locales. Avec des réalisations marquantes et significatives, notamment dans les équipements. Mais ce mouvement, initié en 1981, a échoué à exercer un impact vertueux sur la fonctionnalité des constructions territoriales ; rien d’innovant sur les modalités de désignation des responsables locaux, pas de répartition des compétences et donc des responsabilités, pas de modification fondamentale de la fiscalité locale. L’action publique locale est simplement libérée d’une partie des contraintes et des contrôles que l’Etat exerçait. Les exécutifs locaux sont désormais sous la responsabilité des élus. Le pari est fait que cette libération provoquera l’accroissement des investissements, l’accélération de la modernisation et une nouvelle dynamique pour le développement local.

 

C’est ce qui s’est passé, dites-vous, au cours des 20 premières années de la décentralisation. Mais, à l’amorce des années 2000, en quoi la décentralisation est-elle entrée dans un processus de récession ?

 

C’est à ce moment-là que la notion de décentralisation est formellement intégrée dans la Constitution en 2003 mais son dynamisme et donc sa légitimité commencent à s’éroder. Cette « usure » de la décentralisation est une conséquence de trois éléments convergents. D’abord, le développement du syndrome du village gaulois, la perte de l’aisance financière et enfin l’atrophie de la démocratie.

 

Pouvez-vous développer ces trois éléments ?

 

Dans sa commune, et notamment dans la ruralité, le maire est un homme protée,  qui développe, négocie, embauche et arbitre, mais que sur son territoire. Toute autre position serait considérée comme une  perte de pouvoir et donc n’incite pas à regarder au-delà des limites administratives. Les Régions et les Départements jouent de ce morcellement qui empêche une vision globale, à moyen ou plus long terme, du territoire ; ils ne sont pas installés dans une position de chef de file que la loi leur confère pourtant. La perte de l’aisance financière est liée à l’augmentation des dépenses de fonctionnement. C’est un point de crispation mais la rigueur financière  à laquelle les collectivités doivent se conformer doit constituer aujourd’hui un levier de rationalisation de l’action publique locale.

Enfin, on ne peut pas dire que la décentralisation ait réellement rapproché les citoyens du pouvoir local. Le temps politique ne correspond plus au temps de notre société. D’ailleurs, comment ne pas s’interroger sur le décalage entre l’intérêt et la pratique de nos concitoyens pour l’information numérique et l’utilisation que les collectivités en font. Un des chantiers à (re)lancer serait certainement celui d’une réelle démocratie participative, sans pour autant tomber dans des travers démagogiques.

 

Stéphane Menu

 

 

Le conseil de l’interviewé

« Se méfier des idées toutes faites, des certitudes, du conformisme. Servir l’action publique oblige à douter et à chercher toujours la faille du raisonnement ou de la proposition. L’intérêt général oblige au compromis, à la rigueur et à l’indépendance. Et il ne faut jamais confondre l’intérêt politique avec l’intérêt général ».

 

« Il y a un déni de réalité sur l’ouverture sociale de la fonction publique » – Interview de Damien Zaversnik

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Présentez-nous La Cordée…

 

L’association est née fin 2016. Elle compte une cinquantaine d’adhérents et une trentaine de bénévoles. L’objectif est de sensibiliser les populations éloignées de la fonction publique aux métiers qu’offre cette dernière. Dans les quartiers de la politique de la ville, beaucoup de personnes imaginent que les postes d’encadrants dans la fonction publique ne sont pas faits pour eux.

En Seine-Saint-Denis, beaucoup de postes publiés par les collectivités territoriales ne trouvent pas preneurs. C’est dommage quand on sait que le chômage atteint 20 % dans ce département ! Nous menons donc ce type de sensibilisation, pour rappeler aux jeunes qu’il existe des classes préparatoires disposées à accueillir des boursiers. Désormais, cette ouverture vers la diversité sociale est bien ancrée dans les grandes écoles. Certaines classes préparatoires ont même du mal à accueillir tout le monde. Nous souhaitons un renforcement de ce dispositif.

 

Le paradoxe absolu, c’est que l’Etat donne beaucoup de leçons en la matière tout en étant moins exemplaire que le privé…

 

On a très peu de données. La haute fonction publique est presque confondue avec une caste inatteignable, une haute bourgeoisie éloignée des réalités. Les entreprises sont très analysées sur ce sujet. Dans le public, seul le rapport de Yannick L’Horty donne des pistes. Dans le cadre d’Action Publique 2022, nous avons porté une contribution pour que la fonction publique s’interroge enfin de façon objective sur les pratiques discriminatoires qu’elle ne combat pas en son sein. Nous vivons sur un mensonge, celui de laisser croire que le concours garantit l’égal accès à la fonction publique. Il y a un déni de réalité sur l’ouverture sociale de la fonction publique. Les concours, tels qu’ils sont construits, ont tendance à survaloriser une qualification scolaire qui ne fait que renforcer les inégalités.

 

Où se situe le problème ? Les administrations discriminent-elles volontairement ?

 

Non, elles ne se posent souvent pas la question, tout simplement, de la façon dont elles managent ou elles recrutent. Tout le monde sait aujourd’hui que les aptitudes d’un candidat doivent être autant prises en compte que son cursus scolaire. Étonnamment, pas ou peu dans la fonction publique. Prendre mieux en compte les aptitudes permet de diversifier son recrutement et de sortir des préjugés sur les candidats issus de quartiers défavorisés. C’est pour cette raison que nous demandons que les administrations de plus de 1 000 agents soient obligatoirement soumises à une labellisation égalité et diversité, qui a au moins le mérite de faire prendre conscience aux cadres de la réalité du problème.

 

Stéphane Menu

 

Pour aller plus loin, le site de l’association

 

Le conseil de l’interviewé
« Activer la citoyenneté active des agents »

« Dans notre association, nos adhérents ont été confrontés aux discriminations, parfois de façon explicite et grave. Il faut lutter tous les jours contre ce fléau. Mais nous n’y arriverons pas sans la mobilisation des agents, dans une forme de citoyenneté active. Il suffit de décréter de dire non à des choses qui n’ont pas lieu d’exister ».

 

Fonctionner en réseau : la réussite du Réseau Service Public

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Journalistes expérimentés et fins connaisseurs du service public, spécialistes du marketing et du développement, professionnels de la production visuelle, ils mettent leur expertise et leur carnet d’adresses (élus locaux, fonctionnaires, associations professionnelles, experts, consultants…) au service des événements organisés par les organisations professionnelles, les collectivités, les services de l’Etat, le secteur hospitalier, le secteur privé non lucratif et les entreprises publiques et privées, dans le domaine de la gestion publique.

Du montage à l’animation des débats, de la captation vidéo aux actes valorisant les échanges et interventions, des études et des enquêtes qui peuvent les étayer, chaque prestation est importante et ne souffre ni l’amateurisme, ni la méconnaissance des sujets, comme on le voit  souvent dans des débats où l’animateur se limite à «passer les plats», ni l’absence de travail préparatoire.

 

Agilité et diversité

 

Il n’existe pas vraiment de hiérarchie dans le Réseau Service public , mais une dynamique insufflée par Hugues Perinel , à l’origine de cette idée . Dès qu’une proposition arrive ou qu’un projet les intéresse , la première question est de savoir qui est la personne la plus compétente dans le réseau pour y répondre ,  puis ce qui lui manque et que les autres peuvent apporter ( contacts , réflexion sur le contenu , benchmarking , logistique ..etc). Il suffit le plus souvent de quelques jours pour construire une offre .

Mais leur richesse est avant tout  leur diversité de compétences et de savoir-faire, la variété de leurs  propres réseaux et leur capacité à être, bien plus qu’un simple prestataire, une véritable force de proposition !

 

Concevoir, animer mais aussi… restituer

 

C’est une partie que l’on laisse parfois un peu de côté, que l’on bricole en interne et pourtant lorsque la richesse des débats, la pertinence des interventions, les moments forts d’une manifestation sont mis en avant par des professionnels de l ‘écriture ou de l’image, de leur mise en forme et de leur diffusion, c’est une seconde vie qui commence et qui valorise le travail et l’énergie que les organisateurs ont consacré à tel ou tel événement.

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Mieux anticiper l’évolution des métiers et développer les compétences des agents

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Fractures territoriales, inégalités sociales, mutations numériques et environnementales, tous les défis mis sur le devant de la scène par la crise des « gilets jaunes » devraient constituer les enjeux majeurs des politiques publiques conduites au cours des prochaines années. Dans ce contexte, quel rôle seront amenés à jouer les 5,5 millions d’agents publics ? Comment ce réseau de femmes et d’hommes œuvrant pour l’intérêt général va-t-il pouvoir renforcer la cohésion et la justice sociale dans les territoires ? Quels moyens devraient être mobilisés en faveur des services publics dans une conjoncture marquée par des économies budgétaires ?

Autant de questions sur lesquelles le Conseil économique, social et environnemental (CESE) était invité à réfléchir dans le cadre d’une mission confiée par le Premier ministre. Une réflexion menée en parallèle de la concertation Action publique 2022 initiée depuis le mois de février 2018 par le gouvernement. L’avis adopté le 11 décembre dernier par l’assemblée consultative apporte des premières réponses alors qu’un projet de loi visant à réformer la fonction publique est attendu au 1er semestre 2019.

 

« Plan pluriannuel sur la formation continue »

 

Parmi ses préconisations, le CESE recommande d’abord de « définir et renforcer le dispositif de gouvernance de la fonction publique ». Les conseillers du Palais d’Iéna pointent le fait que les trois fonctions publiques disposent actuellement de dispositifs de pilotage distincts ; la DGAFP intervient surtout sur des aspects réglementaires ou de suivi statistique. Pour rendre plus efficace la gestion des ressources humaines, le CESE juge indispensable la mise en place d’une nouvelle gouvernance. « Rattachée à la DGAFP et coordonnant les trois versants, cette nouvelle structure devrait être dotée de trois missions : le développement des compétences et qualifications professionnelles, la définition des axes de formation continue des personnels et l’anticipation de l’évolution des métiers », propose le Conseil. Dans son avis, le CESE suggère par ailleurs de prévoir, dans le cadre du prochain projet de loi, « l’élaboration d’un plan pluriannuel sur la formation continue ».

 

Consultation régionale

 

Dans le même temps, l’assemblée consultative préconise d’engager dans chaque région une consultation sur l’évolution des besoins en matière d’emploi public. Objectif : « mieux adapter la répartition des métiers de la fonction publique aux territoires ». Le Conseil recommande également d’améliorer la couverture de la fonction RH, notamment pour les populations de fonctionnaires qui en bénéficient peu, en mettant en place un réseau de conseillers RH de proximité dans l’Éducation nationale.

Les membres du CESE souhaitent d’autre part que des dispositions soient prises pour renforcer la formation, « notamment en modifiant les programmes de formation initiale des écoles de la fonction publique pour assurer une formation plus en ligne avec les besoins de polyvalence des personnels ». En outre, le CESE appelle à « garantir l’accès à la formation continue des personnels contractuels » et insiste sur la nécessité de « mettre en œuvre une mission publique sur la collecte et l’usage des données numériques ». Le Conseil se prononce en particulier pour la création d’un corps d’ingénieurs A+ des systèmes d’information et de communication de l’Etat.

 

Emmanuelle Quémard

« Entre Paris-Dauphine et le secteur public, nous avons beaucoup à faire » – Interview de Marie-Hélène Caitucoli

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La House of Public Affairs a été créée en janvier 2017 par l’université Paris-Dauphine. De quoi s’agit-il ?

 

Paris-Dauphine, dont la réputation s’est faite autour des enseignements sur le management et l’économie, travaille plus avec le privé qu’avec le secteur public. Mais, dans le contexte de profondes mutations que vivent nos sociétés, comme les nouvelles technologies, le big data, la transition écologique ou encore l’accroissement de la pauvreté, nos centres de recherche intègrent de plus en plus la part du public dans l’adaptation de nos sociétés à ces nouveaux défis. Près de 20 % des thèses des 20 dernières années publiées par nos enseignants-chercheurs tournent autour de problématiques concernant directement le secteur public. Il nous est apparu évident que la recherche pluridisciplinaire et les diverses formations de l’université pouvaient apporter leur pierre à l’édifice de construction du monde qui vient. En fait, entre Paris-Dauphine et le secteur public, nous avons beaucoup à faire.

 

En votre qualité de chargée de mission de la House, quels sont vos objectifs ?

 

Rendre visibles et de développer toutes les initiatives, au niveau de la recherche et des formations, liées aux affaires publiques à Paris-Dauphine, en établissant de nombreux ponts avec la sphère publique, à savoir des colloques conjoints, des éclairages des politiques publiques par la recherche, des nouveaux terrains de recherche pour les chercheurs, de la formation continue des décideurs publics, etc. Dans tous nos centres de recherche, des liens existent avec le public. Le centre des mathématiques a développé des systèmes probabilistes avec le secteur public, le laboratoire d’économie planche sur l’évaluation du secteur public et bien sûr, le centre de management s’inspire de ce qui se fait dans le public. Il fallait tout simplement mettre cette richesse en évidence. Par ailleurs, nous proposons des formations initiales et continues qui peuvent intéresser les cadres dans les fonctions publiques.

 

Comment la fonction publique peut-elle travailler avec vous ?

 

Nous ne sommes pas un centre de recherche. Nous créons les conditions pour que naissent des synergies et des rapprochements. Si certaines collectivités territoriales veulent travailler avec nos chercheurs, nous organisons une réunion, nous étalonnons les projets. En fait, nous ne faisons qu’extérioriser ce qui se passait dans nos centres de recherche, pour apporter une plus-value aux trois fonctions publiques. Nous travaillons par exemple avec l’Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE), qui est l’opérateur de formation permanente du ministère de l’Économie et des Finances et du ministère de l’Action et des Comptes publics. Nous publions ensemble une revue, « Action publique, Recherche et pratiques ». Ce sont des outils qui permettent de donner une visibilité concrète à nos centres de recherche sur d’autres aires de diffusion.

 

Stéphane Menu

L’ANDRHDT veut moins de cloisonnement pour booster l’employabilité

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« L’employabilité est notre capacité à maintenir ou faire acquérir des compétences à un agent pour qu’il exerce un nouveau métier ou une nouvelle forme de travail », résume Isabelle Debest, directrice des ressources humaines (DRH) au Conseil Départemental du Gers. Définition simple, sujet compliqué : entre les nouveaux métiers et ceux qui disparaissent, difficile pour les DRH de conserver l’employabilité de leurs agents… Pourtant nécessaire dans un contexte de contrainte budgétaire, explique Isabelle Debest. « Aujourd’hui, on a des postes qui se spécialisent, et pas la capacité à y répondre en interne. Mon quotidien, c’est essayer d’y répondre malgré tout… »

Pour acquérir des compétences, évidemment, des outils existent : Isabelle Debest cite la formation, les conseillers en évolution professionnelle (CEP)… Mais les ateliers du dernier Congrès annuel de l’Association Nationale des DRH des Territoires (ANDRHDT) ont fait émerger une solution peu exploitée : le passage par le privé pour que les agents puissent « aller chercher de la compétence sur l’extérieur ». Cette idée fait cependant face à un obstacle de taille : le cloisonnement. Comment faire tomber la cloison ?

 

Le statut, un mur administratif

 

Pour Isabelle Debest, le premier obstacle, c’est le statut de fonctionnaire : « Aujourd’hui, en terme de carrière, le statut permet de reconnaître à minima l’expérience professionnelle [dans le privé] » explique-t-elle. En d’autres termes : même si « il y a des avancées » depuis quelques années, son expérience quotidienne montre que la crainte d’une discontinuité dans leur carrière subsiste chez les agents.

 

DRH : se rassembler et communiquer

 

Ainsi, les DRH présents au congrès misent sur deux axes d’action. Le premier, c’est l’idée d’un MEDEF local (explorée ici) qui rassemblerait DRH des trois fonctions publiques, et du privé. L’objectif serait tout simplement de mieux travailler ensemble : surveiller les évolutions du marché de l’emploi, croiser les besoins, créer des passerelles… Le second se passe en interne, avec un vrai travail auprès des agents qui doivent « se rendent acteurs de leur vie professionnelle : on met des dispositifs en œuvre, mais les agents doivent construire leur projet », explique Isabelle Debest.

Pour elle, la clé, c’est la communication : à la fois auprès des agents, pour « développer une culture de la mobilité », mais aussi de manière plus large, en « travaillant sur l’attractivité de l’emploi territorial ».

 

« On est dans le monde du travail, qu’il soit public ou privé »

 

Pour Isabelle Debest, les passerelles public-privé seraient une chance pour tous : « Même si on est régis par des statuts différents, on a des gens qui travaillent dans les même secteurs d’activité. C’est bien que les agents ne soient pas enfermés par un statut, qu’ils puissent avoir une mobilité quand un poste les intéresse dans le privé ». Elle conclut, pragmatique : « On est dans le monde du travail, qu’il soit public ou privé ».

 

Julie Desbiolles

Quelles sont les motivations des jeunes candidats aux concours ?

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Qui sont les jeunes qui participent aux concours de la fonction publique et quelles sont leurs motivations ? C’est la question à laquelle tente de répondre une étude réalisée par la DGAFP dans le cadre du Rapport 2018 sur l’état de la fonction publique.

Réalisée par Claire Hagège et Margot Thuilliez, cette enquête montre d’abord que 10,5 % des jeunes ayant quitté le système éducatif au cours ou à l’issue de l’année scolaire 2012-2013 déclarent trois ans plus tard avoir participé à au moins un concours permettant de devenir fonctionnaire. Parmi les jeunes qui souhaitent embrasser une carrière publique, les plus nombreux (6,5 % de l’ensemble des candidats) tentent leur chance dans la fonction publique de l’État. Les deux autres versants de la fonction publique paraissent moins attractifs : 2,5% des candidats pour la FPH et 2,2% pour la FPT.

 

Deux fois plus de femmes

 

Plus de la moitié des candidats (56 %), et même trois quarts de ceux qui souhaitent intégrer la FPT, ne présentent qu’un seul concours. « Parmi ceux qui en passent plusieurs, quatre sur dix présentent uniquement des concours permettant d’intégrer le même corps ou cadre d’emplois, et peu candidatent dans plusieurs versants », soulignent les responsables de l’étude.

Le profil des candidats permet de dessiner un portrait-robot de ceux qui aspirent à devenir fonctionnaires. Il s’agit essentiellement de femmes qui sont deux fois plus nombreuses que les hommes à passer des concours. Sans oublier les jeunes diplômés : 19,8 % des candidats sont détenteurs d’un bac +5 et 30,4 % sont titulaires d’un doctorat. Les plus nombreux à candidater sont d’ailleurs les jeunes formés dans une discipline générale (sciences humaines et droit, lettres et arts, mathématiques et sciences) ou ceux qui ont une expérience dans les services aux personnes et à la collectivité. A l’inverse, on trouve peu de candidats parmi les jeunes formés aux métiers de la production.

 

« Vocation pour le métier »

 

L’étude montre que les candidats aux concours sont plutôt originaires de villes-centres, d’aires urbaines de taille moyenne ou d’outre-mer. Les jeunes issus de l’immigration se présentent moins souvent aux concours (-3% par rapport à la moyenne des candidats). Le plus fort contingent de candidat provient d’un milieu social plus favorisé (leurs parents présentent un niveau allant de bac +2 à bac +4 (13,2 %)) ou le couple parental exerce des professions de cadre (15,2 %).

« L’intérêt du métier est la première motivation pour passer un concours de la fonction publique », observent Claire Hagège et Margot Thuilliez en soulignant qu’elle est mise en avant par plus de neuf candidats sur dix. Les deux auteures de l’étude classent les candidats en fonction de leurs motivations. Ils sont 51% à affirmer avoir une « vocation pour le métier ».

Dans ce groupe se rassemblent le plus grand nombre de ceux qui aspirent à devenir enseignants et les jeunes travaillant déjà dans la fonction publique. Un second panel est formé par 37% des candidats mettant en avant un « intérêt général pour la fonction publique ». Il s’agit essentiellement de postulants aux concours de catégorie B et C, certains d’entre eux ayant avec un niveau bac à bac +4. Enfin, un contingent de 12% des candidats regroupe des jeunes reconnaissant se destiner « par défaut » à une carrière publique. Il s’agit pour l’essentiel de postulants aux concours de catégorie C, souvent moins diplômés, principalement issus de familles précaires. D’ailleurs, certains occupaient déjà un poste de contractuel en CDD.

 

Équilibre entre vie privée et vie professionnelle

 

L’étude met également en avant les objectifs personnels des aspirants à un métier dans la fonction publique. L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée apparaît comme un critère important, notamment pour les candidats à l’enseignement. L’exercice d’un travail utile à la société est également cité comme source de motivation. Tandis que la rémunération apparaît comme un facteur moins important dans le désir de devenir fonctionnaire. L’étude révèle aussi que les femmes accordent plus d’importance que les hommes à l’intérêt du poste, en particulier les candidates de la FPT.

 

 

Emmanuelle Quémard