On l’appelle quand il s’agit de prendre du recul à la place de personnes trop impliquées dans un collectif. Il observe et écoute. Il tente de dénouer des situations jugées inextricables. Rencontre avec le médiateur Hervé Chavas.
Une question simple : qu’est-ce qu’une médiation ? Dans quel cas êtes-vous amené à intervenir ?
Je travaille beaucoup dans le monde des collectivités territoriales. On me sollicite parfois parce qu’entre un chef de service et un directeur, il y a de l’eau dans le gaz. Je suis mandaté pour essayer de comprendre et faire en sorte de les aider à trouver des solutions. J’interviens aussi pour jeter les fondations d’un langage commun au sein d’une collectivité. Une collectivité peut être amenée à faire beaucoup de choses. Mais si elle réaménage une gare, le responsable de ce réaménagement ne va pas songer tout de suite à son collègue en charge de la lutte contre la prédélinquance des jeunes dans les transports en commun. Si j’arrive à faire rencontrer ces deux personnes et que leurs démarches se croisent, j’ai gagné et surtout l’aménagement en question intègre des données autres que la simple fonctionnalité spatiale d’une gare. J’aide un collectif à dégager du sens commun parce que créer une communauté de pratiques convergentes permet généralement à une collectivité de mieux fonctionner auprès des usagers.
Vous intervenez aussi pour « médier », c’est-à-dire faire en sorte que des personnes qui ne se parlent plus renouent le contact…
Ce n’est pas simple. Il faut un préalable à cela : que les « médiés » soient d’accord sur le principe de la démarche ; qu’une confiance s’établisse immédiatement. Je ne suis pas là pour faire le petit rapporteur entre les deux parties en conflit. D’ailleurs, il existe une éthique du médiateur, clairement affichée. Tout ce qui se dit dans le cadre d’une relation de médiation reste entre les médiés sauf si l’on m’accorde le droit de remonter l’info, de provoquer une rencontre de conciliation autour du point nodal du conflit. Quand un conflit pourrit, les gens s’en nourrissent, ils fabriquent du problème pour le légitimer. J’ai travaillé récemment avec des agents du nettoiement en conflit avec leur hiérarchie depuis de nombreuses années. L’arrivée d’un nouveau chef a permis d’ouvrir la possibilité d’une résolution du conflit. J’ai fait face à 40 agents. Un d’entre eux est sorti de ses gonds. Il a exprimé son mal vivre au boulot. J’ai fait des ateliers de dix agents pour recueillir cette parole douloureuse. Ça a remis en place une dynamique d’échanges. Le directeur a ensuite pu venir s’exprimer. L’explication a eu lieu. Identifier le problème, c’est solutionner la moitié du problème.
Quelle est la clé de la réussite ?
La bienveillance. La confiance. Le non-jugement. J’arrive et je travaille sur une feuille blanche. Si un tel est considéré comme négatif ou nocif au sein d’un groupe, je ne veux pas le savoir, je le découvre mais j’avance. Il faut créer une ambiance propice à l’échange. Je suis une éponge. Quand quelqu’un vous parle, il ressent si vous êtes une éponge ou une toile cirée, si vous l’écoutez attentivement ou si ça glisse sur vous. Oui, un bon médiateur est une bonne éponge. Une éponge humaine, bien sûr. J’aime les gens, j’aime savoir comment ils sont arrivés à ce qu’ils sont et comment ils s’intègrent dans un collectif. Nous sommes là pour prendre du recul à la place de personnes trop impliquées dans un collectif pour s’offrir ce luxe.
Stéphane Menu

