Médiation, une piste trop peu exploitée

Alors que la loi de novembre 2016 sur la modernisation de la justice du XXIe siècle va permettre l’expérimentation de la « médiation préalable obligatoire » pour un certain nombre de litiges, notamment dans la fonction publique, la voie de la médiation pourrait être davantage exploitée au sein des collectivités. Ne serait-ce que pour mieux répondre à la prévention des risques psychosociaux, qui ont crû ces dernières années favoriser un traitement plus rapide et moins onéreux des litiges, et désencombrer les tribunaux.

« Manager médiateur »

« Dans les collectivités, la médiation en est à l’âge de pierre, déplore Hervé Chavas, consultant en management, formateur et médiateur d’entreprise. Il est vrai qu’en France comme dans d’autres pays latins, elle est d’une manière générale moins pratiquée que dans les pays anglo-saxons, la justice s’étant longtemps montrée réticente craignant d’être dessaisie d’une partie de ses attributions. Dans ce contexte, les administrations sont très à la peine. Mais là où la médiation est pratiquée, même à doses homéopathiques, cela fonctionne. »

Ayant lui-même débuté sa carrière comme fonctionnaire territorial, Hervé Chavas, qui est aussi professeur associé au Ciffop (Paris 2 Panthéon-Assas), intervient auprès de collectivités en tant que médiateur. « Une médiation réussie ne débouche pas forcément sur des résultats tangibles, explique-t-il. Elle consiste parfois à rétablir le dialogue entre les différentes parties prenantes. Dans certains cas, les tensions sont telles qu’elles sont impossibles à dénouer. Dans d’autres, la médiation a entraîné le départ du chef de service, qui a assumé les griefs de ses collègues et en a tiré les conséquences. »

En outre, selon Hervé Chavas, « tout manager est appelé dans sa carrière à devoir affronter des tensions au sein de ses équipes, s’il ne les a pas lui-même suscitées ou provoquées ». Ce spécialiste de la médiation estime que la « figure du manager médiateur s’impose progressivement dans les entreprises et les administrations ». « Avec la médiation, c’est toute la symbolique du manager qui est appelée à se recomposer, affirme-t-il, sa légitimité se construisant sur de nouvelles pratiques ». Comme la responsabilité, l’empathie, la verbalisation, la bienveillance, le silence ou encore l’imagination créatrice.

« Marché juteux » en perspective

Le recours à « un tiers indépendant, impartial et neutre » étant le propre de la médiation, la question de la formation et des compétences du médiateur se pose automatiquement. « C’est là que le bât blesse, confie Hervé Chavas, car jusqu’à très récemment, il n’y avait pas d’obligation d’être formé pour être médiateur. Au niveau européen toutefois, des engagements forts sont pris pour que les médiateurs soient formés, diplômés ou au niveau exigé. La profession est en train de se constituer. » Le marché, qui  pourrait s’avérer « juteux », risque, en effet, d’aiguiser l’appétit d’avocats déjà présents sur le créneau mais aussi d’autres acteurs…

Emmanuelle Quémard

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