« Les banlieues souffrent de maltraitance médiatique » – Driss Ettazaoui

L’image des banlieues n’est pas bonne dans les médias. Quelle est la part entre le fantasme déformateur des journalistes et l’excessive réception que les habitants en font ?

Je prends le cas d’Evreux, où un reportage a jeté à bas des années de reconstruction du lien social, en assimilant la délinquance à l’antichambre du terrorisme. Quand nous parlons de maltraitance médiatique des banlieues, ce n’est pas une réaction d’orgueil. C’est juste insister sur le fait que ce mauvais traitement débouche sur des prix de l’immobilier qui baissent, des écoles moins fréquentées, une attractivité qui décline, etc. A-t-on besoin d’un regard malveillant quand des années durant, nous nous évertuons à sortir ces quartiers de leur situation ?

On a le sentiment que le plan Borloo sur les banlieues appartient presque déjà au passé…

J’ai été personnellement déçu que ce plan ne mentionne pas l’importance de l’image des quartiers. Mais je suis désormais membre du Conseil présidentiel des villes et j’entends poursuivre ce combat si important.

Qu’attendent les habitants des journalistes ?

Qu’on leur reconnaisse le droit à la banalité et à la dignité. Ce qui a de terrible dans cette affaire, c’est que les journalistes eux-mêmes se rendent compte à quel point ils sont à côté de la plaque. Nous avons mené un travail de 5 mois avec des journalistes, des membres du CSA, des chercheurs, des élus. Nous proposons des stages d’immersion dans les cités pour les apprentis journalistes. Mais aussi la possibilité pour les habitants de saisir une instance d’équité territoriale, pour que le jugement journalistique caricatural puisse être corrigé, comme un téléspectateur saisirait le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

A l’inverse, dire que tout va bien dans les banlieues relèverait de la contre-caricature…

Bien sûr qu’il y a des choses qui vont mal. Mais pourquoi ce qui marche n’est-il pas aussi mis en valeur ? Le stéréotype est une facilité et nous devons lutter contre des représentations manifestement déséquilibrées. C’est un travail de long cours que nous devons avoir le courage de mener à bien.

 

Stéphane Menu

(1) Driss Ettazaoui est aussi vice-président de la communauté d’agglomération Evreux Portes de Normandie, et Vice-président de l’Association des Maires Villes & Banlieues de France.

Le conseil de l’interviewé : « Les journalistes forment l’opinion »

« Les journalistes forment l’opinion. Ils ont un rôle majeur dans notre démocratie. Ils en ont peut-être pas conscience mais ils doivent s’interroger en permanence sur les conséquences de leurs articles ».

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