On parle beaucoup d’entreprise libérée. Qu’en est-il des collectivités territoriales ?
Je suis Dgs de la communauté d’agglomération du Mont Saint-Michel depuis juillet 2017. J’ai été recruté pour accompagner la création de cette nouvelle collectivité, fruit de la fusion de cinq intercommunalités. Nous sommes donc encore en phase de construction et le management tient une place essentielle. Depuis 30 ans, j’ai toujours exercé des fonctions de DGS. J’ai donc suffisamment d’expérience pour confirmer qu’il n’est désormais plus possible de fonctionner en silo et que les maîtres-mots de coopération et de transversalité doivent guider notre action quotidienne. L’heure est au changement d’esprit. Je travaillais avant à Melun en Seine-et-Marne, qui compte des quartiers prioritaires de la politique de la ville à l’intérieur desquels la notion d’interculturalité a été privilégiée. Quand on ne connaît pas l’autre, on a tendance à se replier sur son pré carré, à être sensible aux sirènes communautaristes. Dans les collectivités, nous devons adopter la même attitude. J’aime bien le concept d’organisation apprenante où les intelligences multiples se nourrissent entre elles mais pas à partir du talent de l’agent et pas seulement de sa compétence.
Ce que vous dites relève souvent de la bonne intention plutôt que d’un engagement formalisé…
Vous avez raison et c’est pour cette raison que la démarche managériale doit s’attacher rigoureusement au contrat moral qu’elle induit : pas de hiérarchie, des catégories C à A, des cadres aux fonctions exécutantes, chacun doit se sentir investi dans le chantier de reconstruction de la gouvernance. Bien sûr, il serait puéril de vouloir effacer la frontière entre cadres et non-cadres. Mais la transversalité ne doit pas être ressenti comme un simple gadget, elle doit se nourrir de faits concrets.
Justement, avez-vous une stratégie en la matière ?
Le numérique a clairement changé notre relation au travail, avec des effets pervers de soumission à l’immédiateté et des mails envoyés à dix personnes pour s’abriter derrière le parapluie de la responsabilité diffuse. Ça, c’est le côté sombre d’internet. Le côté plus lumineux se dévoile quand les règles du jeu sont clairement posées : on ne peut plus faire sans les autres, on ne peut que gagner du temps avec eux. Depuis le début de l’année, j’ai instauré des rencontres DGS. Je vais rencontrer les agents sur leur lieu de travail pour discuter avec eux. La seule contrainte que j’impose, c’est de ne pas aborder des problèmes personnels et d’en rester aux seuls aspects collectifs. J’ai toujours eu peur des tours d’ivoire ».
Stéphane Menu
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Le conseil de l’interviewé de Pierrick Lozé
« Attention au syndrome de la tour d’ivoire » « Lorsque l’on prend un poste de direction, on peut avoir tendance à se mettre en retrait pour observer. En fait, il ne faut pas hésiter d’emblée à aller au contact des agents, à les écouter, à se montrer disponible et accessible. C’est une forme d’investissement pour l’avenir, le temps que vous passez avec les services en interne n’est jamais du temps perdu, bien au contraire, c’est l’une des voies de la réussite ». |

