Une nouvelle étude sur les discriminations dans les secteurs public et privé, basée sur le testing à grande échelle
Dans la foulée d’un premier rapport commandé il y a deux ans par le précédent gouvernement, l’économiste et universitaire Yannick L’Horty vient de publier, avec plusieurs chercheurs du CNRS, une nouvelle étude sur les discriminations dans l’accès à l’emploi public et privé. Elle est basée sur plusieurs critères : origine, sexe, adresse et orientation sexuelle des candidats. Cette étude a bénéficié du soutien de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) dans le cadre du projet « Discriminations dans l’accès à l’emploi public ».
Ce travail, dont les résultats ont été publiés en août dernier, s’est appuyé sur une campagne de testing à grande échelle. Elle a été menée entre septembre 2017 et mars 2018 à partir de cinq CV fictifs. Ils ont chacun été adressés en réponse à 653 offres d’emploi émanant d’employeurs privés et publics (trois versants de la fonction publique), soit 3265 candidatures. « Pour la première fois avec cette nouvelle campagne de testing qui fait suite à celle de 2015-2016, on peut étudier l’évolution des discriminations dans le temps, confie Yannick L’Horty. En outre, on a élargi cette fois-ci le spectre des discriminations à l’orientation sexuelle. »
Candidatures d’aides-soignantes et de responsables administratifs au crible
Le testing a porté sur deux professions en tension où recruteurs publics et privés sont en concurrence : les responsables administratifs de catégorie A et les aides-soignantes de catégorie C. Afin de traquer toute pratique discriminatoire, l’équipe de chercheurs avait pris soin de glisser une particularité dans les profils par ailleurs en tous points identiques des cinq candidats imaginaires. Il s’agissait du genre, de l’origine ethnique (patronyme maghrébin), du lieu de résidence (quartier prioritaire de la ville) ainsi que de l’orientation sexuelle (mention d’une collaboration à l’organisation des Gays Games).
« Contrairement à la campagne de testing réalisée en 2015-2016, nous détectons globalement moins de discrimination dans cette nouvelle campagne. Il y a encore des écarts de traitements entre les candidats à l’emploi mais ils sont moins importants et beaucoup plus localisés », soulignent les auteurs du rapport après avoir analysé les réponses reçues par les candidats. Cette relative amélioration aurait deux explications selon les chercheurs : « la reprise de l’emploi dans un contexte macroéconomique devenu plus favorable » et « la conséquence des actions publiques en faveur de la lutte contre les discriminations qui se sont développées sur la période, dans le sillage de la loi égalité et citoyenneté et avec la diffusion des procédures de labellisation auprès de nombreux ministères et acteurs publics ».
Selon les chercheurs, ces discriminations concernent désormais uniquement l’origine des candidats et non leur lieu de résidence. Elles affectent principalement les aides-soignantes dans la fonction publique hospitalière et les recrutements de responsables administratifs dans la fonction publique territoriale.
Orientation sexuelle des demandeurs d’emploi
Concernant les pratiques discriminatoires basées sur l’orientation sexuelle des demandeurs d’emploi, les chercheurs notent également quelques évolutions positives. Si l’enquête réalisée en 2017-2018 met en évidence « des différences de traitement défavorables aux candidats homosexuels dans le processus de sélection des candidatures », elle démontre aussi que « ces différences ne se traduisent pas dans un écart significatif de taux de réponse à l’encontre des candidats présumés homosexuels ».
Emmanuelle Quémard
Autre article du Mag d’Etoile à lire sur le sujet : « Discrimination dans la fonction publique : cadre juridique, préventions, gestion des litiges… »
